Retraites : comment l’exécutif peut-il renouer le dialogue avec les syndicats

C’est un responsable syndical qui a alerté des conseillers de l’exécutif sur « l’intransigeance » du gouvernement. « Je leur ai dit : ‘vous nous avez mis dans une pièce où il n’y a pas de sortie de secours alors que, quand il y a des grèves, il y en a toujours une’ », raconte-t-il au JDD. Comme pour souligner son agacement devant l’attitude du gouvernement depuis le début de la réforme des retraites.

Depuis quelques jours, les responsables syndicaux, inquiets de la situation sociale, conjurent le gouvernement d’entamer un dialogue avec eux. Mardi sur France Inter, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé l’exécutif à mettre en place une « médiation » afin de « trouver une voie de sortie » à la crise sociale. Cette proposition fera l’objet d’un courrier de l’intersyndicale au président de la République, a précisé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez : « Comme on l’a décidé en intersyndicale, on a proposé une nouvelle fois au gouvernement et surtout au président de la République de suspendre son projet et de nommer une médiation. »

« Il faut prendre un mois, un mois et demi, pour demander à une, deux, trois personnes de faire de la médiation », a déclaré Laurent Berger, demandant un « geste d’apaisement ». Dimanche, dans un entretien à l’AFP, la Première ministre Élisabeth Borne avait elle aussi dit souhaiter « mettre de l’apaisement ». « Je suis à la disposition des partenaires sociaux. Il faut qu’on trouve le bon chemin : est-ce que ce sont des rencontres bilatérales, une intersyndicale ? », s’était-elle interrogée.

Le leader de la CFDT a appelé ce mardi à « mettre en suspens la mesure des 64 ans » qui cristallise les oppositions. « On prend un mois et demi où on dit ‘les 64 ans ça ne s’appliquera pas’ et on fait de la médiation. Et ensuite, on se met autour de la table et on regarde la question du travail, des retraites, sur quoi il peut y avoir ou pas un compromis social », a développé le numéro un de la CFDT. Déjà, sur RTL vendredi, Laurent Berger avait déjà suggéré de « mettre sur pause » la réforme.

La fin de non-recevoir d’Olivier Véran

L’exécutif a rapidement opposé un véto à la proposition de Laurent Berger. « ll n’y a pas forcément besoin de médiation pour se parler directement », a balayé ce mardi Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, lors du compte rendu du Conseil des ministres. « Le président de la République l’a dit : il est prêt à recevoir l’intersyndicale dès lors, parce que nous respectons nos institutions, que le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur la conformité de notre texte de loi », a-t-il détaillé. Soit pas avant la fin du mois d’avril.

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Lundi, devant les responsables de la majorité présidentielle et les ténors du gouvernement réunis à l’Élysée, Emmanuel Macron avait estimé qu’il fallait « continuer à tendre la main aux forces syndicales », selon des propos rapportés à l’AFP par un participant à la réunion.

Le refus de l’exécutif d’entamer une « médiation » a crispé encore un peu plus les syndicats mardi. « Nous faisons une proposition positive, d’apaisement, et deux heures après, la réponse du gouvernement est une fin de non-recevoir… Ça va commencer à suffire les fins de non-recevoir à la discussion et au dialogue », a déploré Laurent Berger, qualifiant « d’insupportable » cette réponse de la majorité.

 Est-ce qu’il continue à s’entêter et à crisper la France ? 

Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Unsa

« Dans cette période de tensions, les seuls qui sont encore lucides et responsables, qui essayent d’apaiser le pays et de trouver des solutions, ce sont les syndicats », réagit auprès du JDD Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’Unsa. Le responsable syndical pointe du doigt la responsabilité d’Emmanuel Macron dans la situation : « Est-ce qu’il va comprendre qu’il faut arrêter et repartir sur de nouvelles bases ou est-ce qu’il continue à s’entêter et à crisper la France, avec les conséquences graves que ça peut avoir ? »

« On ne peut pas gouverner la France comme ça et on ne peut pas donner des baffes à tout le monde comme ça », dit-il. Une allusion à des propos d’Emmanuel Macron qui avait crispé les syndicats, notamment la CFDT. Dans une interview le 22 mars dernier à TF1 et France 2, le président de la République avait regretté « qu’aucune force syndicale n’ait proposé un compromis », visant particulièrement la CFDT. « Cibler la CFDT […] c’est idiot. Après, il dit qu’il faut renouer le dialogue. Moi, je n’ai jamais renoué le dialogue en commençant par remettre une gifle à quelqu’un. Je ne vois pas l’intérêt à agresser comme ça », avait répondu le lendemain Laurent Berger sur BFMTV et RMC.

 On ne peut pas aller gentiment autour d’une table après trois mois de mobilisation 

Murielle Guilbert, co-déléguée générale de l’union syndicale Solidaires

« Quand j’invite des gens chez moi, je ne leur claque pas la porte trois fois au nez avant », illustre auprès du JDD Murielle Guilbert, co-déléguée générale de l’union syndicale Solidaires. Elle rappelle que les syndicats ont « alerté » l’exécutif ces dernières années sur certains sujets, comme les conditions de travail des salariés, où ils ont fait des propositions « alternatives concrètes et réalistes ». « Nous avons eu des sourires polis mais il ne s’est pas passé grand-chose », regrette-t-elle.

Solidaires, un syndicat dit « contestataire », souhaite toujours « le retrait pur et simple » du texte. « Une médiation avec une pause d’au moins six mois pourrait permettre de débloquer la citation », estime Murielle Guilbert, même si elle précise que les échanges pourraient être difficiles : « On ne peut pas aller gentiment autour d’une table après trois mois de mobilisation. »

Ces cadres de la majorité qui veulent renouer le dialogue

Le gouvernement, lui, ne veut pas entendre parler d’une pause qui serait synonyme de retrait. « Si on met sur pause, on ne reprendra jamais, souligne un responsable de la majorité au JDD. Il faut tenir. »

Soucieux de ne pas couper totalement les liens avec les syndicats, l’exécutif fait quelques pas en leur direction. Élisabeth Borne a ainsi prévu dans son agenda un créneau pour recevoir éventuellement les organisations syndicales dans la semaine du 10 avril. Par ailleurs, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, a appelé en fin de semaine dernière Laurent Berger « pour échanger sur l’ambiance » selon le secrétaire général de la CFDT.

Des gestes qui ne semblent pas à ce stade pouvoir débloquer la situation. Mais les choses ne sont pas figées. Dans la majorité, des voix discordantes se font de plus en plus entendre. Les députés MoDem ont annoncé ce mardi être favorables à la mise en place d’une médiation. « C’est bien d’avoir une ou deux personnes pour essayer de retrouver le dialogue et avoir un certain recul », a souligné le président de groupe centriste Jean-Paul Mattei, lors d’un point presse à l’Assemblée nationale. Cependant, « il n’est pas question de mettre le texte sur pause », a ensuite précisé Jean-Paul Mattei sur BFMTV. « L’idée, c’est de retrouver le chemin du dialogue. »

Selon Politico, si certaines personnalités dans l’entourage d’Emmanuel Macron poussent le chef de l’État à rester « inflexible », d’autres plaident en faveur de la recherche d’un compromis avec les syndicats, comme Philippe Grangeon. D’après Politico, l’ex-conseiller spécial d’Emmanuel Macron aurait suggéré en interne de trouver un accord sur l’âge de départ en le ramenant à 63 ans.

Un salut venu du Conseil constitutionnel ?

La « pause » dans la réforme des retraites pourrait venir… du Conseil constitutionnel. Les sages pourraient en effet offrir une porte de sortie au gouvernement. Selon plusieurs constitutionnalistes, certaines dispositions de la réforme pourraient être retoquées par les Sages, qui doivent se prononcer sur la réforme d’ici la fin avril. De même, la possible validation par le Conseil constitutionnel d’une procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) sur l’âge de départ à la retraite pourrait offrir le temps de suspension réclamé par Laurent Berger, et permettre de renouer le dialogue.

Selon Olivier Véran, rien n’empêche « dans l’intervalle » de la décision du Conseil constitutionnel, « de commencer à discuter des modalités d’application des différents éléments du texte ». Le porte-parole du gouvernement a évoqué différents sujets de discussions possibles avec les syndicats « pour faire progresser les droits des travailleurs » : « la répartition de la valeur au sein de l’entreprise », « les fins de carrière », « les petits salaires en dessous du SMIC ».

« Oui, il faut parler du travail, de la pénibilité, de l’égalité femmes-hommes, de l’emploi des seniors et après on parlera peut-être du financement des retraites. Là, le gouvernement a pris le puzzle à l’envers », rétorque Dominique Corona. L’incompréhension entre l’exécutif et les syndicats n’est pas près d’être dissipée.

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