Grève du 31 janvier: comment la gauche et les syndicats espèrent faire mieux que le 19

Après une première journée de mobilisation jugée réussie, le front syndical et politique doit désormais réussir son second rendez-vous pour accentuer la pression sur le gouvernement. Avec plusieurs objectifs: faire descendre de nouvelles catégories professionnelles dans la rue, miser sur la jeunesse et exploiter de nouvelles erreurs de l’exécutif.

Faire encore grimper les compteurs pour contraindre le gouvernement à reculer sur la réforme des retraites. Après une première journée de mobilisation le 19 janvier, l’une des plus importantes de ces 30 dernières années, les syndicats et la gauche veulent dépasser le million de Français dans la rue et comptent s’appuyer sur les leçons des précédentes grèves.

• Maintenir unis les syndicats

Pour la première fois depuis 2010, les syndicats font front commun contre l’exécutif. La gauche a également rassemblé ses forces contre le départ à la retraite à 64 ans. De quoi rappeler les images de 1995 où, lors de la toute première manifestation contre la fin des régimes spéciaux, les patrons de FO et de la CGT s’étaient serrés la main et avaient défilé côte-à-côte pour la première fois depuis 1947.

« On a quasiment une poignée de main à 8 et la CFDT ne laisse entrevoir aucun espace de faiblesse. C’est un signal très fort », assure ainsi le député communiste Sébastien Jumel auprès de BFMTV.com.

Si les syndicats ont moins d’influence que dans le passé, ils gardent la capacité de pouvoir mettre à l’arrêt des secteurs entiers de l’économie comme les raffineries et les transports. La CGT a ainsi compté jusqu’à 100 % de grévistes dans des dépôts pétroliers le 26 janvier.

« Les mobilisations dans la rue, c’est bien. Mais ce qui compte surtout, c’est la grève avec des paralysies dans le pays qui peuvent mettre Emmanuel Macron en grande difficulté. Et ça, les syndicats savent toujours le faire, encore plus quand ils sont tous d’accord », avance Jean-Marie Pernot, politologue et spécialiste du syndicalisme.

• Mobiliser de nouveaux secteurs et la jeunesse

Si plusieurs pans de l’économie française s’étaient déjà joints à la manifestation du 19 janvier, de nouveaux acteurs, jusqu’ici peu mobilisés, entrent dans la danse à l’instar du secteur aérien. En 1995, le mouvement avait basculé lors de la seconde journée de mobilisation, quand la RATP s’était jointe aux protestations.

« C’est un signal très puissant parce quand vous bloquez Orly, vous impactez à la fois les cadres supérieurs qui ont des déplacements professionnels et la livraison de médicaments », veut croire le député La France insoumise Hadrien Clouet.

Avec un espoir pour certains à gauche: que les artisans qui ont souvent commencé à travailler tôt donc particulièrement concernés par le recul de l’âge de départ, se joignent aux protestations. Les bouchers et les boulangers se sont fortement mobilisés ces dernières semaines après la flambée de leur facture.

Parvenir à mettre dans la rue la jeunesse est également un fort espoir de massifier le mouvement.

« Ce n’est pas facile de faire descendre les jeunes dans la rue, mais quand ils y sont, c’est difficile de les faire rentrer à la maison. Vous n’avez pas la question du salaire en moins comme pour les salariés », décrypte Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.

Pour l’instant, la mobilisation organisée par les associations de jeunesse et LFI le 21 janvier n’a réuni que 14.000 participants d’après le comptage du cabinet indépendant Occurence et 150.000 selon les organisateurs.

• Porter un discours qui dépasse la question des retraites

Pour parvenir à inscrire le mouvement dans la durée et à le massifier, nombreux sont ceux à gauche à réfléchir à des mots d’ordre qui dépassent la question du recul de l’âge de départ.

« On sent bien que la question va bien plus loin que travailler plus longtemps. On est sur la question de la répartition des richesses dans notre pays, du sentiment qu’on tape toujours sur les mêmes dans un moment où les gens ne s’en sortent plus financièrement. Il faut qu’on arrive à faire sentir qu’on se bat pour ça », analyse le député communiste Sébastien Jumel.

Sur les bancs de la gauche, beaucoup jugent que les jeunes qui ont participé aux cortèges du 19 janvier avec des mots d’ordre plus larges comme la fin de Parcoursup qui a récemment ouvert sa plateforme, la précarité étudiante ou encore le réchauffement climatique, ont déjà ouvert la voie.

« Les étudiants se disent: ‘OK, on veut nous faire travailler plus avec un air pollué, 3 degrés en plus, le tout avec les poches vides’. On voit bien que se projeter dans un futur désirable dépasse de très loin la question du travail », cherche à souligner l’insoumis Louis Boyard.

• Tabler sur des erreurs du gouvernement

Après une communication voulue au cordeau par Emmanuel Macron et Élisabeth Borne, l’exécutif semble s’être pris les pieds dans le tapis. Alors que l’exécutif n’a eu de cesse d’insister sur « la justice » de la réforme, Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement, a reconnu que les femmes seraient « un peu impactées » par le recul de l’âge de départ à la retraite.

La Première ministre a eu beau dénoncer un « faux procès », elle n’a guère convaincu. La preuve en chiffres: 72% des Français rejettent le projet de réforme des retraites, d’après un sondage Elabe pour BFMTV. La statistique représente un bond de six points par rapport à la mesure effectuée il y a une semaine… et de 13 points par rapport à la jauge établie deux semaines en amont.

« On a un gouvernement qui dit lui-même que la réforme n’est pas juste. On n’est pas dans une erreur de communication mais dans la vérité. Et plus le débat va avancer sur les plateaux, à l’Assemblée, plus on va voir la réalité de ce projet de loi », observe Fabrice Angei, chargé des questions d’emploi à la CGT.

Qui ajoute: « Franck Riester, cette fois-ci, mobilise les femmes. Mais une maladresse du ministre de l’Éducation nationale peut fâcher encore plus les professeurs, une boulette de François Braun à la Santé avec les soignants aussi. Tout cela pousse de nouvelles personnes à descendre dans la rue ».

Dans les rangs des syndicats, deux phrases d’Alain Juppé qui avaient mis le feu aux poudres en 1995 sont restées dans les mémoires.« Si deux millions de personnes descendent dans la rue, mon gouvernement n’y résistera pas » avait-il d’abord lancé avant de se dire « droit dans ses bottes » face à l’ampleur des futures mobilisations.

« On sent bien que beaucoup de facteurs peuvent amplifier la mobilisation. Mais celui sur lequel nous avons la main et qui ne dépend que de nous, c’est la com. Soyons à l’écoute et surtout pas des premiers de la classe », exhorte un cadre de la macronie.

« Nous savions que cette réforme serait difficile », a tenté de son côté de déminer le ministre du Travail sur notre antenne ce vendredi.

Marie-Pierre Bourgeois

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