Réforme des retraites : syndicats et oppositions fourbissent leurs contre-attaques

La mère de toutes les batailles est lancée. Jeudi, la Première ministre, Élisabeth Borne , précisera les contours définitifs de la réforme des retraites que le chef de l’État et candidat avait ébauchés lors de la dernière campagne présidentielle. Une réforme qui avait fait trébucher Alain Juppé en 1995, et que François Fillon avait surmontée en 2010. Celle, aussi, qui déterminera la suite du mandat présidentiel et, à plus long terme, l’empreinte que laissera ce dernier dans l’histoire de la Ve République. En résumé, la plus importante du quinquennat Macron II.

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Le Président en est persuadé : il faut mener les choses prestement. Le dossier sera posé sur la table du Conseil des ministres en janvier. Et atterrira au Parlement le mois suivant pour une application dès l’été. Une allure à la hussarde qui rebute jusque dans les rangs de la majorité, comme l’explique ­François Bayrou , haut-­commissaire au plan et allié d’Emmanuel Macron , dans nos colonnes. Et qui ulcère les syndicats, unis comme jamais depuis 2010 pour promettre un grand soir en janvier. Cette fois, contrairement à 2019, l’exécutif ne pourra pas compter sur le soutien de la CFDT, ses militants ayant voté contre tout nouveau report de l’âge légal de départ. Le gouvernement ne souhaitant pas reculer sur ce point, le bras de fer a, sur le papier, toutes les chances de durer.

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La confrontation va-t-elle se focaliser, et se radicaliser, autour de la question des 65 ans ? « Je crois dans le dialogue, répète volontiers ces jours-ci, en privé, Emmanuel Macron. Cette réforme, il ne faut pas la réduire à un chiffre. Je n’ai ni totem ni tabou, mais j’ai quelques devoirs. Et j’ai un engagement directionnel : 65 ans en 2031. » Pour espérer faire bouger les syndicats réformistes, au premier rang desquels la CFDT, dont la position sera décisive, l’exécutif envisage de jouer sur le mix entre cinq paramètres, dont il pourrait faire bouger les curseurs dans le texte final.

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Le front du refus s’annonce hermétique

« Il y a plusieurs façons de travailler davantage : la durée de cotisation, l’âge légal, la question des carrières longues, celle de la pénibilité, et celle des catégories actives dans la fonction publique, résume-t-on à l’Élysée. Nous pouvons trouver, dans ce bouquet de mesures, quelque chose qui permet de convaincre. » Le port de charges lourdes et les postures difficiles seraient ainsi considérés comme des critères de pénibilité permettant de partir plus tôt. De même, le minimum contributif sera porté à 1 200 euros afin de tenir la promesse de le hisser à 85 % du smic. Un « index seniors » verra également le jour pour identifier les entreprises qui en recrutent, et celles qui les écartent.​

« Si on met sur la table de vraies avancées sociales, d’autres parties de l’hémicycle pourraient voter ou s’abstenir », veut croire le député Renaissance Marc Ferracci , proche de Macron et spécialiste des questions sociales. Pas certain, cependant, que ces « avancées » fassent supporter le goût, amer pour beaucoup, d’un passage à 65, voire 64 ans. « Je regrette que le point d’entrée de la réforme pendant la campagne ait été l’âge, confesse ainsi sa collègue de Renaissance la députée Astrid Panosyan. Ça a rendu la question très clivante. »​

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Je regrette que le point d’entrée de la réforme pendant la campagne ait été l’âge

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De fait, à l’Assemblée nationale , où les gauches et le ­Rassemblement national sont vent debout, le front du refus s’annonce tout aussi hermétique que dans les rangs syndicaux. Seuls Les Républicains, qui votent chaque année au Sénat un amendement en faveur d’un report de l’âge légal, pourraient offrir une issue de secours au gouvernement. Voilà pourquoi l’exécutif met la pression sur la droite, qui pose ses conditions et dont le soutien n’ira pas de soi. « Cette force politique vote depuis des années une réforme qui est quasiment la même, explique un intime de Macron. Si on se déclare au dernier moment contre quelque chose qu’on a toujours défendu, à la fin, ça se verra. Le principe de la tactique politique n’est pas de se faire remarquer… »

Le choix du véhicule législatif se révèle éminemment stratégique. Le gouvernement a tranché : il devrait passer par un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSSR). Ce qui permettrait, en cas de blocage parlementaire, d’utiliser l’article 49-3, dont l’usage est illimité pour les textes budgétaires, pour le faire passer sans vote. Et ce sans gaspiller cette cartouche, qu’Élisabeth Borne ne pourra utiliser qu’une seule fois pour tous les autres projets de loi d’ici à la fin de la session. Reste une incertitude, que les juristes de Matignon doivent lever : la possibilité d’intégrer dans un PLFSSR les fameux régimes spéciaux, dont seront exclus les nouveaux embauchés – la fameuse « clause du grand-père ». Optimiste, Marc ­Ferracci, lui, s’affirme « convaincu » de la possibilité de faire adopter le texte sans user du 49-3, à condition qu’il soit « équilibré ».

Un janvier social ?

Au-delà de la résistance des syndicats et des parlementaires, le pays va-t-il se cabrer, voire s’enflammer le mois prochain ? « Terra incognita, répond un habitué de l’Élysée. Est-ce que ça va se traduire par un janvier social qui va s’embraser ? Est-ce que grâce au télétravail, si la France est bloquée, ce ne sera pas si grave ? » C’est la grande question. La « synthèse des préfets », note bimensuelle adressée par ces hauts fonctionnaires au ministère de l’Intérieur sur un thème commandé par ce dernier, portait cette semaine sur « la précarité et le risque social ». Pas tout à fait un hasard, alors que la combinaison de la réforme des retraites, de la perspective de coupures d’électricité, de l’inflation galopante, voire du retour du Covid, pourrait rendre le contexte explosif.

« Ça va être le bordel, redoute un haut fonctionnaire. C’est un tel empilement de crises qu’on ne sait pas ce qui constituera la flammèche. » Et de spéculer sur les amortisseurs susceptibles d’atténuer la mobilisation : « La population, qui se prend crise sur crise, ne sera-t-elle pas atone à force d’être résiliente ? Le plein-emploi dans de nombreux départements ne va-t-il pas écraser l’expression du mal-être ? La retraite minimale augmentée à 1 200 euros ne va-t-elle pas éteindre la colère des catégories populaires ? On est tous très prudents… »

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C’est un tel empilement de crises qu’on ne sait pas ce qui constituera la flammèche

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Pour mémoire, à l’hiver 2019-2020, les agents de la SNCF, avec un cheminot sur deux en grève , s’étaient fortement mobilisés contre la mise en place d’un système de retraites universel. Mais cette fois-ci, la réforme ne les concerne pas. Quant aux salariés du privé, le contexte inflationniste ne devrait pas les inciter à perdre des journées de salaire. Même si les cortèges pourraient être fournis en début de conflit, les syndicats ne disposeront pas forcément des moyens de le faire durer.

Un ministre s’avoue pourtant « beaucoup plus inquiet sur la réforme des retraites » que sur le reste. Tout en préconisant de foncer : « La réforme sera plus facile à la sortie de l’hiver, mais on ne sait pas où en sera la situation sociale. Il y a un intérêt à engager les choses maintenant. D’autant que ce qu’on ne lance pas en 2023, on ne le fera pas. » Une de ses collègues au gouvernement partage cet avis : « On ne va pas se la traîner pendant cinq ans, comme pendant le précédent quinquennat, où on a passé notre temps à prendre des coups sur cette réforme pour finalement ne pas la faire. » ­Emmanuel Macron le sait : dans cette partie, il joue là sa capacité à poursuivre les réformes. Soit ce qui avait constitué, en 2017, l’essence même et la raison d’être politique du macronisme. À quitte ou double.

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