Réforme des retraites : pourquoi la CFDT de Laurent Berger s’oppose à l’exécutif

Pour eux, c’est un non ferme. Les syndicats ne veulent pas entendre parler de la réforme des retraites telle qu’elle se profile. Pas même la réformiste Confédération française démocratique du travail (CFDT), partenaire traditionnellement incontournable des gouvernements dans les négociations sociales. Le gouvernement, qui présentera le texte le 10 janvier, privilégie un report progressif de l’âge de départ de 62 à 65 ans , sans écarter la piste d’un recul à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation. Deux propositions contestées en bloc par les syndicats et l’essentiel des oppositions politiques.

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Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a été clair ce jeudi matin sur BFMTV et RMC : « S’il y a un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, la CFDT sera mobilisée pour le contester. » Depuis le début, le leader syndical martèle son opposition à toute « mesure d’âge » et met en garde contre une « réforme dure » qui provoquerait une « réaction sociale tout aussi déterminée ».

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La menace d’un conflit social d’ampleur plane sur le début de l’année 2023. L’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU a publié le 5 décembre un communiqué annonçant « une première date de mobilisation unitaire avec grèves et manifestations en janvier, si le gouvernement demeurait arcbouté sur son projet de réforme des retraites ».

Un contexte interne qui pèse sur la ligne

La CFDT a durci le ton depuis son dernier congrès, organisé en juin 2022 à Lyon. Laurent Berger, réélu à la tête du syndicat à ce moment-là, est en effet lié par les décisions prises lors de ce congrès : il n’a pas de mandat pour accepter un nouvel allongement de la durée de vie active. « Un amendement voté lors de ce congrès, sans l’assentiment de la direction confédérale, a donné une double mandat à la direction : d’une part, refuser l’allongement légal de départ à la retraite et, d’autre part, refuser l’allongement de la durée de la cotisation au-delà de ce que prévoit la réforme Touraine », expose pour le JDD Stéphane Sirot, historien spécialiste du syndicalisme. Autrement dit, « ce mandat donne peu de souplesse à la direction dans le cas où elle souhaiterait s’engager sur la voie d’un compromis.»

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« Compte tenu du mandat donné à Laurent Berger au dernier congrès, il faudrait vraiment que les concessions faites par le gouvernement en direction de la CFDT soient vraiment substantielles, comme sur le niveau des retraites, l’emploi des seniors, les carrières longues et la pénibilité », juge Stéphane Sirot.

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La CFDT choisit plutôt les négociations que l’opposition

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La CFDT s’est par le passé déjà alignée sur la ligne des syndicats protestataires. C’était lors de la réforme des retraites de 2010. « La seule fois où la CGT et la CFDT ont mené des actions communes de bout en bout », souligne Stéphane Sirot. Le syndicat réformiste s’est en revanche déjà montré plus conciliant avec l’exécutif. Après avoir participé aux journées d’actions contre la réforme des retraites de 2003, dite « loi Fillon », « la CFDT avait ensuite négocié en aparté avec le gouvernement et s’était retirée du mouvement », rappelle Stéphane Sirot. Elle avait alors obtenu gain de cause sur le départ à la retraite anticipé pour carrières longues.

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La centrale syndicale ne s’était pas dressée contre l’allongement de la durée de cotisation voté dans le cadre de la loi Touraine en 2014, entrée en vigueur en 2020. Depuis cette loi, la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein augmente d’un trimestre tous les ans. De même, lors du projet de réforme des retraites de 2020 visant à instaurer un régime de retraite dit « universel », finalement suspendu en raison de l’épidémie de Covid-19 , la CFDT ne s’était pas opposée à l’idée d’une réforme systémique des retraites, qu’elle porte de longue date, précise Stéphane Sirot.

« La CFDT a toujours pris ses responsabilités sur le sujet des retraites, en 2003, en 2014…», a avancé Laurent Berger ce jeudi, refusant que son syndicat soit classé « dans le camp des conservateurs ». Ce syndicat « choisit plutôt les négociations que l’opposition, en voulant accompagner les réformes voulues par le pouvoir en place », analyse Stéphane Sirot. 

Quand le gouvernement courtise la CFDT

Laurent Berger ne semble pas prêt aux compromis sur les points clefs de la réforme voulue par Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat et ses proches ne lésinent pas sur les moyens pour tenter de raccrocher la CFDT. « Je compte sur les syndicats réformistes, CFDT et CFDC. Je n’arrive pas à croire que, sur la pénibilité, la CFDT reste dans une posture aussi dogmatique », a confié Elisabeth Borne à quelques députés de la majorité le 17 décembre, selon le Canard Enchaîné. Selon la Première ministre, le gouvernement va finir par « trouver un chemin avec la CFDT ». 

Pour amadouer le syndicat, l’exécutif a lancé en octobre dernier un cycle de discussions. Mais il s’est achevé début décembre sur un constat d’échec. En annonçant le report de la présentation de la réforme des retraites, le 12 décembre, Emmanuel Macron avait notamment fait valoir la nécessité de poursuivre le dialogue avec les syndicats. Depuis, l’exécutif fait assaut d’amabilités vis-à-vis du secrétaire général de la CFDT. Deux Marcheurs historiques, Stéphane Séjourné et Sacha Houlié, ont même été chargés de jouer les ambassadeurs, selon Le Parisien . 

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Macron snobe largement les syndicats et cela pose un gros problème à la CFDT

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Les relations entre le pouvoir macroniste et le leader du premier syndicat français sont marquées du sceau de l’incompréhension. « Emmanuel Macron snobe largement les organisations syndicales et cela pose un gros problème à la CFDT », décrypte Stéphane Sirot. Pour l’historien, un syndicat comme la CFDT, « encrée dans un syndicalisme de partenariat social, existe à partir du moment où des partenaires lui tendent la main. Or si les pouvoirs publics ne veulent pas le faire, ou de manière superficielle, ou uniquement pour l’affichage, alors cela ne donne pas grand chose. »

Par ailleurs, la volonté du gouvernement de faire adopter rapidement la réforme des retraites est à l’opposé de la vision du dialogue social défendue par la CFDT, rappelle Stéphane Sirot. « C’est un syndicat très légaliste. Il considère que tant que la loi n’est pas votée, on peut se mobiliser. Mais une fois qu’elle est adoptée, cela devient alors plus compliqué d’agir sous peine de remettre en question la légitimité et la légalité du pouvoir, ce qui n’est pas son rôle.»

Malgré ces profondes divergences, l’exécutif, qui cherche à enfoncer un coin dans le front syndical, serait déjà bien content si le syndicat réformiste ne participait pas à des manifestations communes avec les syndicats plus radicaux au début de l’année prochaine. « La CFDT est-elle prête à aller au-delà d’une journée d’action ponctuelle ou de deux ou trois actions espacées ? La réponse n’est pas évidente », s’interroge Stéphane Sirot. Pour ce spécialiste des mouvements sociaux, « l’unité syndicale peut voler en éclat » notamment sur la question « des moyens de pression à utiliser dans le cadre d’un rapport de force. » Le bras de fer entre l’exécutif et les syndicats n’a pas encore accouché d’un vainqueur.

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