Réforme des retraites : Elisabeth Borne rencontrera les syndicats le 5 avril

[Mise à jour du vendredi 31 mars 2023 à 15h02] Elisabeth Borne a invité l’intersyndicale à un « entretien avec elle » à Matignon ce mercredi 5 avril. « Nous irons, toute l’intersyndicale, unie, pour exiger le retrait de cette réforme de façon ferme, déterminée », a déclaré Sophie Binet, qui succède à Philippe Martinez à la tête de la CGT, à la tribune du congrès du syndicat, juste après son élection. 

« On ira, on en a parlé entre nous. Oui, on pense collectivement qu’il faut y aller pour porter nos propositions« , avait répondu Laurent Berger, à la tête de la CFDT, sur le plateau de Quotidien le 28 mars. Dès le lendemain, le syndicaliste a confirmé sa venue, avec pour objectif d’expliquer « pourquoi cette réforme est une impasse, injuste (…), pourquoi il faut trouver une porte de sortie », comme il l’a déclaré sur France Info. A la question de sa présence à cet échange, Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, a répondu « oui, a priori avec les autres organisations patronales. Je ne sais pas si on passera avant ou après, mais on ira mercredi ». « C’est assez normal, parce que quels que soient les sujets abordés, qu’on parle de retraites ou qu’on parle de travail, les employeurs ont un avis sur la question », a-t-il poursuivi. 

Ce vendredi 31 mars, Olivier Dussopt, ministre du Travail, a précisé l’ordre du jour de la rencontre qui se déroulera mercredi prochain. « La Première ministre a invité l’intersyndicale pour faire un tour d’horizon de tous les sujets, évidemment le sujet des retraites qui est au cœur de l’actualité, mais aussi d’autres sujets« , a-t-il indiqué sur Europe 1. 

« On a énormément de sujets, vous savez, à aborder, sur les parcours professionnels, sur la prévention de la pénibilité. Tous ces sujets sont sur la table. Évidemment les organisations syndicales aborderont la réforme des retraites. Moi je suis à l’écoute et je me réjouis que l’intersyndicale réponde à mon invitation« , a déclaré Elisabeth Borne, au cours d’un déplacement dans la Nièvre ce vendredi 31 mars. La Première ministre a tenu à préciser que l’idée de mettre en pause le texte était exclue : « On ne peut pas faire de pause quand on a un projet de loi qui a été voté, qui est en cours d’examen devant le Conseil constitutionnel, mais moi je suis à l’écoute et chacun aura l’occasion d’exprimer ses positions lors de cette rencontre ».

Par ailleurs, La France insoumise et le Parti communiste français ont annoncé qu’ils ne se rendront pas à Matignon ce lundi. Ils refusent l’invitation d’Elisabeth Borne, qui souhaite les inviter afin « d’apaiser le pays », comme elle l’avait précisé à l’AFP le 26 mars dernier. « La France Insoumise et son groupe parlementaire ne se rendront pas à la rencontre d’Elisabeth Borne », a tweeté Manuel Bompard, coordinateur LFI. « Comme c’est à l’Elysée que tout se décide malheureusement, nous déclinons l’invitation de la Première ministre. Nous demandons à être reçus par le président de la République. Il est urgent qu’il agisse ! », a réagi Fabien Roussel, secrétaire national du PCF dans un tweet. A la place, les parlementaires communistes ont organisé un « cortège républicain », qui partira de l’Assemblée mardi dans la matinée, pour « remettre, en main propre, au Président de la République un courrier », indique le parti dans un communiqué.

Qu’est-ce que la réforme des retraites d’Emmanuel Macron ?

La réforme du système des retraites est l’un des points centraux de la politique d’Emmanuel Macron. Depuis sa première campagne présidentielle, cette ambition est l’un de ses grands chantiers. L’objectif initial était la simplification du système pour le rendre plus juste et assurer son équilibre financier. Les retraites représentent 13,5% du PIB, soit plus de 300 milliards d’euros de dépenses par an (Drees, 2021). L’objectif du projet de réforme des retraites tel qu’il était présenté en 2017 était la création d’un système universel des retraites, fonctionnant par points, dans lequel « 1 euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Le président souhaitait mettre fin aux 37 régimes différents de retraite, soit le régime général, le régime des entreprises et des établissements publics (SNCF, EDF-GDF et RATP), le régime spécial de la fonction publique (fonctionnaires et militaires) et les autres régimes minoritaires. Pour autant, Emmanuel Macron avait garanti qu’il ne reculerait pas l’âge de la retraite et qu’il ne baisserait pas le montant des pensions.

Progressivement, le projet de réforme, mis à mal par les nombreux mouvements sociaux et la crise sanitaire du Covid, a évolué. En novembre 2021, pour Emmanuel Macron, les trois objectifs de la réforme étaient :

  • D’instaurer un minimum retraite à 1 000 euros pour toute carrière complète ;
  • De repousser l’âge légal de départ ;
  • De supprimer les régimes spéciaux.

Depuis la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2022, la réforme des retraites est revenue dans l’agenda de l’exécutif. Elisabeth Borne a présenté le contenu de la réforme des retraites le 10 janvier 2023 après plusieurs mois de concertations avec les partenaires sociaux. Le projet a depuis continué d’évoluer sans pour autant dévier de sa principale mesure à savoir : le report progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à raison de trois mois par an à compter du 1er septembre 2023 ainsi que l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation tel que prévu dans la réforme Touraine. Il faudra justifier de 43 années de cotisation dès 2027 et non pas à compter de 2035. 

Que contient la réforme des retraites actuelle ?

La version du texte qui fait l’objet d’une application de l’article 49-3 est celle validée en commission mixte paritaire le 15 mars 2023. Voici les principales mesures de la réforme des retraites :

  • Le recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à raison de 3 mois par an à compter du 1er septembre 2023 accompagné d’une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, prévu à l’origine dans loi Touraine de 2014. A compter de 2027, et non pas de 2035, il faudra justifier de 43 années de cotisations ;
  • La fin  progressive de plusieurs régimes spéciaux pour les nouveaux agents recrutés dans les secteurs de l’industrie électrique et gazière, de la RATP, de la Banque de France, ainsi que les clercs et employés de notaire et les membres du Conseil économique, social et environnemental ;
  • La revalorisation du minimum contributif majoré chaque année, avec un taux au moins égal à celui de l’évolution du montant du Smic, afin que la pension d’un salarié justifiant d’une carrière complète corresponde à 85% du Smic net.

En ce qui concerne la pénibilité du travail, les mesures suivantes ont été adoptées :

  • Le dispositif de départ anticipé pour carrière longue est modifié : ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans peuvent partir à 58 ans, entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans, et entre 18 et 20 ans à compter de 62 ans. Ceux qui ont débuté leur carrière entre 20 et 21 ans peuvent prendre leur retraite à 63 ans. La durée de cotisation nécessaire aux bénéficiaires du dispositif passe de 44 à 43 ans ;
  • Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peuvent partir en retraite pour incapacité à compter de 60 ans, 55 ans pour les travailleurs handicapés ;
  • Un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle est créé pour financer des actions de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle ;
  • Les points du compte professionnel de prévention (C2P) peuvent être utilisés pour rémunérer un salarié en cas de congé de reconversion professionnelle.

Pour le travail des seniors, plusieurs mesures ont été intégrées à la réforme des retraites à savoir :

  • L’instauration d’un index sénior pour les entreprises de plus de 1 000 salariés à compter de novembre 2023 et pour celles de plus de 300 salariés à partir de juillet 2024. La négociation sur l’emploi des seniors est obligatoire à partir du moment où les indicateurs ont diminué sur trois ans ;
  • La mise en place d’un « CDI senior ». Il s’agit d’un contrat de travail réservé aux travailleurs en fin de carrière et exonéré de cotisations familiales, censé favoriser le recrutement des travailleurs de plus de 60 ans au chômage. Cette mesure sera expérimentée entre 2023 et 2026 et réservée aux chômeurs de longue durée ;
  • Une augmentation de 20 à 30% de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle.

Certaines mesures s’adressent aux mères de famille. Les voici :

  • La mise en place d’une « surcote » de 1,25% par trimestre (5% maximum) pour les femmes ayant eu au moins un enfant et dépassant les 43 annuités requises un an avant l’âge légal de départ, en raison des trimestres maternité et éducation des enfants ;
  • L’extension de la majoration de pension de 10% pour les mères de trois enfants ou plus aux professions libérales et aux avocats ;
  • L’obligation pour les mères de familles de toucher un minimum de 2 trimestres sur les quatre pouvant être accordés en cas d’adoption ou au titre de l’éducation. Jusqu’à maintenant, les parents peuvent se partager huit trimestres. Si la mère perçoit automatiquement les quatre trimestres liés à la naissance, ceux liés à l’adoption ou donnés au titre de l’éducation peuvent être donnés en intégralité au père. Cela ne sera plus possible.

D’autres mesures ont été adoptées à savoir :

  • Une évaluation de la réforme des retraites en 2027 et des « mesures légales et réglementaires en matière d’emploi des seniors prises depuis sa publication » ;
  • La création d’une assurance vieillesse spécifique pour les aidants ;
  • La revalorisation des pensions liquidées à taux plein et du minimum contributif pour les résidents de Mayotte ;
  • L’accès à des trimestres supplémentaires pour les sapeurs-pompiers volontaires. Le nombre exact de trimestres doit encore être fixé par décret ;
  • Sur décision du juge pénal, en cas de crime ou de délit commis à l’encontre de l’enfant, le parent perd les trimestres acquis au titre de son éducation ainsi que la majoration de la pension (attribuée aux parents à compter du 3e enfant) ;
  • Les parents qui perdent un enfant avant ses 4 ans peuvent tout de même bénéficier des quatre trimestres accordés au titre de l’éducation d’un enfant ;
  • La mise en place de la pension d’orphelin. En cas de décès d’un assuré social, une partie de sa pension peut être versée à ses enfants.

Pour rappel, au cours de l’examen du projet de loi, l’Assemblée nationale n’a pas pu voter le texte ni même arriver à l’examen de l’article 7 celui qui instaure le report de l’âge légal de la retraite. Et ce, en partie en raison de l’encadrement strict des débats. Puisque le gouvernement a choisi pour véhicule législatif le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), il a pu actionner l’article 47-1 qui fixe des délais très courts d’examen des textes. Seuls les sénateurs ont pu examiner la totalité des 20 articles de loi du projet et voter le texte.

Réforme des retraites : à partir de quel âge pourra-t-on partir à la retraite ?

L’âge légal de départ à la retraite va progressivement passer de 62 à 64 ans. A compter du 1er septembre 2023, l’âge pivot reculera de 3 mois par an pour atteindre 64 ans en 2030. La génération née en 1968 sera la première à partir à la retraite à 64 ans. A la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, en 2027, l’âge légal de départ à la retraite sera de 63 ans et 3 mois. Voici un tableau récapitulatif qui présente l’âge de départ à la retraite après la réforme ainsi que la durée de cotisation 

TABLEAU RECAPITULATIF DE L’âge de départ à la retraite après la réforme
Année de naissance Âge légal (hors départs anticipés) DURÉE D’ASSURANCE REQUISE AVANT RÉFORME DURÉE D’ASSURANCE REQUISE APRÈS RÉFORME NOMBRE DE TRIMESTRES SUPPLÉMENTAIRES DEMANDÉS
1960 62 ans  167 trimestres 167 trimestres 0
1er janvier – 31 août 1961  62 ans  168 trimestres 168 trimestres 0
1er septembre – 31 décembre 1961 62 ans et 3 mois 168 trimestres 169 trimestres 1
1962 62 ans et 6 mois 168 trimestres 169 trimestres 1
1963 62 ans et 9 mois 168 trimestres 170 trimestres 2
1964 63 ans 169 trimestres 171 trimestres 2
1965 63 ans et 3 mois 169 trimestres 172 trimestres 3
1966 63 ans et 6 mois 169 trimestres 172 trimestres 3
1967 63 ans et 9 mois 170 trimestres 172 trimestres 2
1968 64 ans 170 trimestres 172 trimestres 2
1969 64 ans 171 trimestres 172 trimestres 2
1970 64 ans 171 trimestres 172 trimestres 1
1971 64 ans 171 trimestres 172 trimestres 1
1972 64 ans 172 trimestres 172 trimestres 1
1973 64 ans 172 trimestres 172 trimestres 0

Jusqu’à maintenant, il était possible de partir à la retraite sans décote sur le montant de sa pension à partir de 67 ans. Cette possibilité est maintenue. Les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude peuvent bénéficier d’un départ à la retraite à 60 ans à taux plein. 

Qui est concerné par la réforme des retraites en 2023 ?

Les retraités actuels ne sont pas concernés par la réforme des retraites. La génération née du 1er septembre au 31 décembre 1961 sera la première impactée. En effet, à compter du 1er septembre 2023, l’âge légal de départ à la retraite reculera de 3 mois par an. Les Français nés dans la seconde partie de l’année 1961 pourront partir à compter de 62 ans et 3 mois. Ils devront travailler un trimestre de plus que ce qui était prévu avant la réforme. La première génération à partir à la retraite à 64 ans sera celle née en 1968. Ces Français devront cotiser 2 trimestres de plus que ce qui était initialement prévu.

Les carrières longues sont-elles concernées par la réforme des retraites ?

Actuellement, les salariés qui remplissent les conditions pour bénéficier du départ à la retraite anticipé pour carrière longue peuvent partir avant l’âge légal de départ, soit entre 58 et 60 ans. L’année de départ varie en fonction du nombre de trimestres cotisés et du nombre de trimestres acquis en début de carrière.

Le texte de réforme des retraites qui a fait l’objet du 49-3 conserve le dispositif de départ anticipé pour carrière longue. En revanche, il introduit des paliers intermédiaires : 

  • Ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans peuvent partir à 58 ans ;
  • Ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans peuvent partir à 60 ans ;
  • Ceux qui ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans peuvent partir à 62 ans ;
  • Ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans peuvent partir à 63 ans.

Notez également que la durée de cotisation nécessaire aux bénéficiaires du dispositif passe de 44 à 43 ans.

Qui peut bénéficier de la retraite à 1 200 euros ?

Elisabeth Borne, lors de la présentation du texte le 10 janvier 2023, avait annoncé que la retraite minimum serait portée à 85% du Smic soit « une augmentation de 100 euros par mois » pour l’ensemble des retraités ayant « cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic. « C’est près de 1 200 euros par mois dès cette année », avait-elle poursuivi. « Près de 2 millions de petites retraites vont être augmentées », avait avancé la Première ministre. Or comme l’a expliqué Michaël Zemmour, économiste dans le journal L’Obs, le 8 février 2023 : il ne s’agit pas « d’un minima de pension, et il n’est pas de 1 200 euros. C’est seulement une revalorisation de certaines petites pensions liquidées à taux plein ».

Dans une note publiée le 9 février 2023, l’Institut des politiques publiques (IPP) précise que lorsque l’exécutif affirme vouloir augmenter le montant des retraites minimum, c’est en fait le montant du minimum contributif (Mico) qu’il souhaite revaloriser. Les Français qui disposent du nombre de trimestres pour une retraite à taux plein ou qui ont dépassé l’âge légal de la retraite à taux plein ne peuvent pas percevoir une pension inférieure à un certain montant : c’est ce que l’on appelle le Mico. Son montant est de 684,14 euros pour ceux justifiant moins de 120 trimestres au régime général. Il est majoré à 757 euros brut par mois pour ceux ayant cotisé 120 trimestres ou plus.

Dans la réforme des retraites, le gouvernement souhaite revaloriser de 25 euros le Mico de base et de 75 euros le Mico majoré. Ce qui donnerait au total 847,57 euros. En y additionnant la retraite complémentaire, le gouvernement voudrait que la retraite minimale atteigne 85% du Smic net soit 1 170 euros. Au total 10 000 à 20 000 français dépasseront chaque année le seuil des 1 200 euros à compter de sa mise en place, a précisé Olivier Dussopt, ministre du travail, dans un courrier adressé au député Jérôme Guedj.

Les fonctionnaires sont-ils concernés par la réforme des retraites ?

Dans la fonction publique, l’âge légal de départ à la retraite sera également rehaussé : il passera de 62 à 64 ans. Et cela également pour les « catégories actives » de la fonction publique qui bénéficient d’un droit à partir de façon anticipée : l’âge légal de départ passe de 57 à 59 ans pour les catégories actives et de 52 à 54 ans pour les catégories super-actives. L’ensemble des agents peuvent demander à travailler jusqu’à 70 ans. Alors qu’actuellement seuls sont concernés les agents avec des enfants ou dont la carrière est incomplète. 

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