Borne et les syndicats : parler retraites sans parler des 64 ans ? Ce qui se joue en coulisses

Mais pourquoi l’exécutif propose-t-il un rendez-vous aux organisations syndicales en début de semaine prochaine s’il refuse d’évoquer les retraites ? Et pourquoi les syndicats acceptent-ils de s’y rendre puisque l’exécutif ne veut pas parler des sujets qui fâchent, en particulier du report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans ? S’agit-il, selon l’expression un brin absurde de Franck Riester, le ministre délégué aux relations avec le Parlement, d’aborder « les sujets sur lesquels on est d’accord » ? Dans ce cas, la rencontre n’aurait guère de sens. En réalité, dans cette drôle de course de vitesse entamée en début d’année avec la présentation du projet de loi, le moment est critique. Plus personne ne peut se permettre de simplement camper sur ses positions.

Dans les prochains jours, les syndicats comme l’exécutif vont marcher sur un chemin étroit. Si le sujet n’était pas si grave et la situation si tendue, on pourrait penser à un jeu d’enfants dans lequel chacun tire sur un bout de corde et le premier qui lâche (ou qui tire trop fort) tombe et a perdu. Chacun a intérêt à montrer qu’il fait preuve d’ouverture et qu’il est prêt à discuter pour ne pas risquer d’être accusé d’entêtement et d’immobilisme, sans renoncer à aucune des mesures sur lesquelles il s’arc-boute depuis des semaines. Avec, en tête, la perspective de la décision du Conseil constitutionnel du 14 avril, dont personne ne peut prédire la teneur mais que chacun espère en sa faveur.

Une chose est sûre, il ne pourra pas être reproché à Laurent Berger de la CFDT de ne pas avoir essayé de reprendre contact avec l’exécutif au cours des dernières semaines. Lettre intersyndicale à Emmanuel Macron pour demander un rendez-vous, proposition de suspension de la réforme le temps de discuter, offre de médiation pour reprendre le dialogue… Il aura tout tenté. Sans succès. Et pourtant, mardi 28 mars, dans la soirée, au terme de la dixième journée de mobilisation, le leader de la CFDT a annoncé à la télévision que l’intersyndicale irait à la rencontre proposée par Elisabeth Borne en début de semaine prochaine. Une décision qui peut paraître surprenante alors que l’exécutif ne cesse de dire que les retraites ne seront pas au menu.

L’urgence du calendrier

Mais Laurent Berger sait qu’il y a urgence à sortir de l’impasse. D’abord parce qu’après le succès de la mobilisation du jeudi 23 mars, celle de mardi a marqué le pas. Même constat d’érosion dans les secteurs où la grève était retenue comme mode d’action. Les éboueurs parisiens ont annoncé mardi la suspension de leur mouvement. Et chez les cheminots, le nombre de jours de grève commence à s’accumuler et à peser sur les fiches de paie. Tenir, dans ces conditions, un niveau de mobilisation élevé pendant plus de deux semaines jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel relève de la mission quasi impossible. D’autant qu’à partir du 8 avril, commencent les vacances de printemps. Dans les syndicats, tout le monde le sait, une fois que les gens ont le sentiment que la partie est perdue, il est très difficile de les faire ressortir dans la rue.

Ensuite, les premières lignes de fracture apparaissent dans l’intersyndicale. Elles risquent de s’élargir avec l’échec de la stratégie mise en œuvre jusque-là de pression sur l’exécutif par de grandes journées de manifestations. Mardi, au congrès de la CGT, Philippe Martinez a été mis en minorité sur son bilan par des militants qui lui ont notamment reproché d’avoir approuvé la proposition de médiation émise le matin même par Laurent Berger. Et la tension ne devrait pas retomber à l’approche de la désignation du nouveau secrétaire général, objet d’une âpre bataille. La CGT n’est pas la seule à être bousculée par ses éléments les plus radicaux. Au sein de l’intersyndicale, les organisations comme Solidaires sont désormais tentés d’en appeler à des modes d’actions plus offensifs. Pour l’instant, l’alliance tient et a réussi à se mettre d’accord sur une nouvelle date, le 6 avril. Mais elle est loin et d’ici là, tout peut arriver.

En acceptant le rendez-vous à Matignon, Laurent Berger prend le risque de faire éclater l’intersyndicale, mais il espère décider le gouvernement à faire un geste en sa faveur en montrant sa détermination. En dépit de l’inflexibilité apparente de l’exécutif, des contacts discrets ont eu lieu pour tenter de trouver une issue. On imagine mal le pouvoir avoir convoqué une rencontre sans quelques idées en réserve. Il sait qu’il a tout à perdre à maintenir une stratégie de la porte totalement fermée. Certes, les violences ont été moindres dans les cortèges de mardi que dans ceux de la semaine précédente, mais que se passera-t-il si un incident majeur se produit ? De même si le Conseil constitutionnel retoque trop de dispositions dans son texte (sans même parler de la totalité), ne pas avoir totalement rompu avec les syndicats réformistes lui permettra de remettre plus facilement l’ouvrage sur le métier. Sans parler de l’hypothèse du référendum d’initiative partagée qui, s’il était validé par les sages de la rue Montpensier, pourrait bousculer le calendrier de mise en œuvre de la réforme et redonner de l’air aux syndicats.

Alors, de quoi parleront-ils lors de ce rendez-vous ? Les organisations syndicales – et tout particulièrement la CFDT- n’accepteront pas d’échanger sur tout sauf sur les retraites, sauf à se décrédibiliser ou à faire éclater une intersyndicale déjà tiraillée. Laurent Berger a prévenu : « si on me dit : vous ne pouvez pas en parler (…) ils sortiront de la salle ou alors on partira ». Le gouvernement, lui, ne peut radicalement renoncer aux 64 ans sans donner le sentiment d’une énorme reculade. Dès lors, la rencontre pourrait ressembler à un inutile théâtre d’ombres. En réalité, elle aura au moins une vertu. Suspendre les hostilités pendant une semaine et rapprocher tout le monde du 14 avril et de la décision du Conseil constitutionnel. Maigre victoire ? Certes. Mais en ces temps de désaccords profonds, temporiser sans se fâcher ressemble déjà à un exploit.

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