Réforme des retraites : les vraies raisons du clash entre Macron et Berger

Un échange rugueux. Le 8 septembre, lors de la première séance du Conseil national de la refondation, Emmanuel Macron s’est arrangé pour déjeuner à côté de Laurent Berger, le leader de la CFDT, et lui glisser un mot sur la réforme des retraites. « Il faut extraire cette dent malade », lui souffle le président de la République. « Toute la mâchoire va venir avec », réplique du tac au tac le syndicaliste. Trois mois plus tard, le climat ne s’est guère apaisé. Laurent Berger est vent debout contre le report de l’âge de départ à 65 ans et l’Elysée laisse fuiter dans la presse que le patron du syndicat réformiste serait « moins courageux » que ses prédécesseurs, Nicole Notat et François Chérèque…

Face à une CFDT qui a rejoint le front uni des syndicats contre la réforme, Emmanuel Macron a tout de même choisi de temporiser. Alors que les principaux arbitrages devaient être dévoilés le 15 décembre par la Première ministre Elisabeth Borne, le chef de l’Etat les a repoussés au 10 janvier. De quoi laisser aux Français le loisir de profiter pleinement des fêtes de Noël. Avant des mouvements sociaux qui s’annoncent massifs à la rentrée. Le 5 décembre, toutes les organisations syndicales ont en effet appelé à « une première date de mobilisation unitaire avec grèves et manifestations en janvier ». Et Laurent Berger, à la tête du premier syndicat de France, promet de jeter toutes ses forces dans la bataille.

La ligne rouge de l’âge légal de départ

Entre le président et le numéro 1 de la CFDT, la guerre est déclarée. D’abord pour un désaccord de fond. « Le report de l’âge légal de la retraite a toujours été une ligne rouge pour nous, souligne Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé du sujet à la confédération. Dès lors que c’est la mesure phare de la réforme, ça ne peut pas bien se passer. » Lors du dernier congrès de juin, les militants cédétistes ont même durci leur position en votant contre tout allongement de la durée de cotisation, que le syndicat avait pourtant accompagné en 2003 et 2014. « Laurent Berger doit composer avec une base militante très remontée, confie Pierre Ferracci, président du cabinet de conseil Alpha. Il n’a quasiment pas de marge de manœuvre. »

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Sur le plan budgétaire, le syndicaliste considère en outre que le déficit des retraites n’exige pas un tel remède choc et que le véritable objectif du gouvernement est de rééquilibrer l’ensemble des comptes publics, voire de financer d’autres politiques. « Ce qu’ils sont en train d’essayer de faire, c’est un impôt sur les travailleurs, a-t-il tonné sur France 2, le 5 décembre, alors qu’ils baissent les impôts de production des entreprises et refusent d’augmenter la fiscalité des plus riches. » Pour espérer amadouer la CFDT, il faudrait que le gouvernement concède de très fortes avancées sur la retraite minimum ou les départs anticipés pour les personnes ayant démarré tôt ou exerçant des métiers pénibles. « Mais il n’y a quasiment aucune chance d’avoir un compromis de ce type », juge un ancien dirigeant de la CFDT, qui rappelle qu’en 2017, l’une des premières mesures du quinquennat Macron avait consisté à réduire le périmètre du compte de pénibilité.

Berger excédé par la méthode

Autre facteur expliquant le raidissement de Laurent Berger: la méthode du chef de l’Etat. Le syndicaliste est excédé par la façon qu’a Emmanuel Macron de souffler le chaud et le froid sur ce dossier explosif. Le 12 septembre, le président laisse entendre que le report de l’âge légal de la retraite pourrait être passé à la hussarde dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale dès l’automne. Puis, il renonce et ouvre une concertation de trois mois avec les syndicats. Le 27 octobre sur France 2, il se dit « ouvert » à un départ à 64 ans assorti d’un allongement de la durée de cotisation. Avant d’acter le 7 décembre le report à 65 ans à l’occasion d’un dîner à l’Elysée dont tous les participants sont chargés de relayer la teneur dans les médias.

« Pour être honnête, on ne comprend pas très bien la stratégie et désormais on attend les annonces officielles, relève Yvan Ricordeau, le négociateur de la CFDT, mais on a de plus en plus le sentiment que le gouvernement cherche plutôt un accord avec les députés Les Républicains qu’avec nous. » Laurent Berger se méfie d’autant plus qu’il garde un goût amer du feuilleton de la réforme des retraites à points, qui a agité tout le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Après avoir tergiversé durant deux ans entre une harmonisation de tous les régimes, soutenue par la CFDT, et une réforme financière, rejetée par elle, le chef de l’Etat avait opté fin 2019 pour un entre-deux, avec le fameux « âge pivot ». Une option qui avait poussé le syndicat réformiste dans les rangs des opposants et débouché sur l’un des conflits sociaux les plus durs depuis 1968. Avant que l’épidémie de Covid n’emporte définitivement la réforme.

Fin de la relation privilégiée

Les racines de l’incompréhension entre le leader syndical et le président remontent à plus loin. « Sous François Hollande, aucune réforme sociale ne pouvait se faire sans l’aval de Laurent Berger, qui était surnommé le « ministre du Travail bis », se souvient un ex-conseiller ministériel. Ce qui exaspérait Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée puis ministre de l’Economie. » Dès sa campagne, le jeune candidat d’En Marche a prévenu qu’il mettrait fin à cette relation privilégiée. Invité en mars 2017 par la CFDT, il avait médusé son auditoire en affirmant que les syndicats faisaient trop de politique et que leur rôle devait se cantonner aux négociations d’entreprise.

A tout cela s’ajoutent les parcours des deux hommes qui creusent encore le fossé. « Laurent Berger a été travailleur social et a vu des gens cassés par la vie qui ne se sortaient pas de la misère, observe un ancien artisan des réformes macronistes, alors qu’Emmanuel Macron est persuadé qu’avec de la volonté, on peut toujours réussir. Dès lors, ils ne peuvent pas vraiment s’entendre. » Et sans doute pas sur la réforme des retraites.

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