Retraites : la CFDT et les autres syndicats réformistes vont-ils poursuivre le mouvement longtemps

Dominique Corona affiche son optimisme. « Nous allons gagner car nous sommes calmes, sereins et déterminés », veut croire le secrétaire général adjoint de l’Unsa, interrogé par le JDD au lendemain de la mobilisation du 7 mars. La sixième journée de manifestation contre la réforme des retraites a été marquée par une mobilisation record : 1,28 million de participants selon le ministère de l’Intérieur, 3,5 millions selon la CGT.

« Malgré 15 jours de pause, plus de 3 millions de personnes sont descendues dans la rue. C’est un succès. Il n’y a pas d’essoufflement du mouvement », se réjouit Dominique Corona, alors que son syndicat soutient les secteurs professionnels engagés dans des grèves reconductibles, comme à la SNCF.

Pour autant, les syndicats n’ont toujours pas réussi à infléchir l’exécutif. « Le gouvernement nous a mis dans un conflit sans aucune porte de sortie. Il ne nous tend pas la main », déplore Dominique Corona. « La CFDT, comme le disait à l’époque l’ancien secrétaire général de FO André Bergeton, n’a aucun ‘grain à moudre’. Elle n’a rien à se mettre sous la dent ce qui contribue à crisper sa position », analyse auprès du JDD Stéphane Sirot, historien et spécialiste des mouvements sociaux.

Alors que l’article 7 sur le report de l’âge légal à 64 ans est actuellement examiné au Sénat, les responsables syndicaux ont les yeux tournés vers la suite. Mardi soir, l’intersyndicale a appelé à une nouvelle journée de mobilisation le samedi 11 mars puis la semaine prochaine, au moment de la commission mixte paritaire (CMP). Sénateurs et députés se réuniront pour tenter de trouver un accord sur la réforme. Cette CMP pourrait avoir lieu le mercredi 15 mars. En cas d’accord, le texte devra encore être voté une dernière fois par les deux chambres. Les débats doivent dans tous les cas se terminer au plus tard le 26 mars à minuit.

Les mises en garde de la CFDT et de l’Unsa

Les manifestations et les grèves continueront-elles au-delà du 15 mars, voire du 26 mars, si la réforme est adoptée ? Les syndicats réformistes laissent sciemment planer le doute. « Une loi adoptée, elle peut être abrogée », a mis en garde lundi soir sur RT Laurent Escure, le secrétaire général de l’Unsa. On ne peut pas avoir une telle opposition chez les Français et ne pas, en tant que syndicalistes, mener la bataille jusqu’au bout. » Une mise en garde adressée à l’exécutif qui parie sur le désengagement des syndicats réformistes après l’adoption de la loi.

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« Il est clair qu’un mouvement social ne s’éteint pas après l’adoption d’une réforme », affirme au JDD Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT chargé des retraites. « Quand on voit la profondeur du mécontentement, les sondages qui disent que les Français sont nettement opposés à cette réforme, on ne peut pas dire aux gens du jour au lendemain ‘rentrez chez vous, merci, au revoir’ », avance aussi Dominique Corona. En d’autres termes : « Le conflit ne s’arrêtera pas comme ça une fois que la loi sera votée. Il va continuer d’une façon ou d’une autre et il y aura encore des choses. »

Le responsable de l’Unsa ne souhaite pas encore dévoiler son plan de bataille : « On réfléchit sur l’après mais on n’a pas encore défini quelles actions on va mener. » Décryptage de Stéphane Sirot : « Quand on dit que l’on va continuer la mobilisation ‘autrement’ ou ‘sous d’autres formes’ cela signifie souvent que l’on arrête le mouvement. »

L’historien souligne que la CFDT est « un syndicat légaliste ». Il rappelle que lors de la réforme des retraites de 2010, Marcel Grignard, secrétaire général adjoint du syndicat, affirmait que « tout le monde est conscient que lorsque le processus parlementaire sera terminé, une page sera tournée ». « Notre responsabilité comme syndicalistes est de construire des compromis qui fassent sens, pas de remettre en cause la légitimité parlementaire ou politique », déclarait-il également. « Lors des précédentes réformes des retraites, on pouvait entendre qu’il y avait un problème de financement, donc au bout d’un moment, nous avions aussi une responsabilité globale », reconnaît Dominique Corona.

Pour ces prochaines semaines, Stéphane Sirot n’écarte pas l’hypothèse de la constitution de « deux mouvements parallèles : d’un côté l’intersyndicale qui cherche à maintenir l’unité au niveau national, et de l’autre des fédérations, notamment celles de la CGT, qui poursuivent le conflit avec des grèves reconductibles”. Cette solution aurait l’avantage de « ménager la chèvre et le chou », dit-il.

« Faire en sorte que la réforme ne soit pas votée »

Yvan Ricordeau préfère se concentrer sur les deux prochaines dates de manifestations, le 11 mars et probablement le 15 mars. « Nous sommes clairement dans l’objectif de faire en sorte que la réforme ne soit pas votée. À l’heure où l’on se parle, rien ne dit que la réforme ne sera votée », veut croire le secrétaire national de la CFDT chargé des retraites.

Il évoque en effet plusieurs hypothèses : celle d’un « rejet » du texte faute de majorité politique pour le gouvernement, celle d’une « non-adoption » en raison de l’utilisation du 49.3 ou encore « le risque constitutionnel ». Dans son avis rendu à l’exécutif mi-janvier dernier, le Conseil d’État avait en effet estimé que certaines mesures du texte ne rentrent pas dans le cadre, strict, de ce que doit être un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLRSS), le véhicule législatif choisi par le gouvernement.

Le syndicat de Laurent Berger fait attention à ne pas braquer ses partenaires, comme la CGT, avec qui la centrale syndicale affiche une bonne entente depuis le début du conflit social. En 2003, la CFDT avait braqué les autres organisations en recherchant un compromis avec le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin sur la réforme des retraites. À l’époque, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, avait même suscité l’incompréhension d’une partie de sa base militante en négociant avec l’exécutif sur le dispositif « carrières longues », permettant aux salariés ayant commencé à travailler jeune de partir plus tôt à la retraite. « À la CGT, certains appellent cet épisode ‘la nuit des dupes’Il y avait même eu des remous et des départs au sein de la CFDT », rappelle Stéphane Sirot.

Sans faire de paris sur la suite du conflit, l’historien constate que les organisations syndicales, à des degrés divers, ont « tendance à devenir de plus en plus légalistes ». « On retrouve davantage la désobéissance et la transgression dans des conflits d’entreprises, comme celui qui a eu lieu dans les raffineries en octobre 2022 », dit-il. Certains secteurs continueront-ils coûte que coûte les grèves ces prochaines semaines, voire ces prochains mois ?

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