Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, et celui de la CGT, Philippe Martinez, à l’issue d’une réunion à l’Elysée.
©Bertrand GUAY / AFP
Atlantico Business
Les intérêts sont liés. Le gouvernement veut prouver qu’il pourra sauver le système de la retraite par répartition. Les syndicats également parce que le modèle social fondé sur le paritarisme constitue une part importante de leur fonds de commerce.
Non seulement le gouvernement et les syndicats sont condamnés à trouver un compromis pour sortir du blocage actuel… Mais ils finiront par le trouver.
Personne n’ose le dire parce que dans la conjoncture actuelle, ce serait tabou mais les syndicats, comme le gouvernement, ont un intérêt puissant à ce qu’une réforme puisse sauver le régime par répartition. Pour l’instant, ils évaluent les rapports de force mais quoi qu’on dise, ils sont dans la même galère. Ils veulent les uns comme les autres sauver le régime par répartition par cette réforme ou par une autre, ils doivent sauver le régime paritaire de l’assurance vieillesse.
Parce que si ça casse, ce ne sera pas une catastrophe pour les assurés sociaux. Si ça casse ça signifie que le régime d’assurance retraite va dépérir. Ce régime fonctionne selon des principes assuranciels ,sur la base de la répartition. Les actifs paient la pension des inactifs. La contrainte de la démographie réduit de facto le montant des ressources. Si la réforme ne passe pas, les assurés sociaux trouveront dans le privé des moyens et les outils capables de leur apporter des garanties de retraite complémentaire. Les idées et les projets ne manquent pas sur le marché, mais pour le gouvernement comme pour les syndicats, la perte du système par répartition serait une catastrophe.
Le gouvernement a absolument besoin de sauver les régimes par répartition, c’est-à-dire de trouver un remède pour équilibrer les finances. Pour des raisons politiques puisque Emmanuel Macron s’y est engagé. Mais aussi pour des raisons de crédibilité vis –à-vis des milieux financiers internationaux. La France est endettée, elle a besoin d’emprunter presque 50 milliards d’euros par mois. Jusqu’alors, elle les a toujours trouvés sans difficulté, d’abord parce que l’argent n’était pas cher, ensuite parce la France jouit d’un garantie de l’Union européenne, enfin parce que jusqu’alors le Trésor pouvait expliquer à nos créanciers que nous avons traversé une période exceptionnelle. Aujourd’hui, cette conjoncture a changé. Les taux d’intérêt ont monté, et nos banquiers veulent les preuves de bonne gestion structurelle… Si Emmanuel Macron veut protéger son crédit international, il a absolument besoin de prouver sa capacité à gérer et surtout sa volonté à redresser la situation. La retraite coute plus de 30 milliards d’euros chaque année à l’État, c’est-à-dire au contribuable. C’est donc un dossier très emblématique du problème français.
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Mais les syndicats, de leur côté, ont eux aussi absolument besoin de prouver qu’ils savent cogérer le modèle social, parce que ce modèle d’assurance sociale est leur raison d’être et leur fonds de commerce. Le syndicalisme français a cette particularité de vivre grâce à ses adhérents certes, mais surtout grâce à la gestion des caisses d’assurance vieillesse, assurance chômage et assurance maladie. Ces organisations sont les plus gros employeurs des permanents d’appareils syndicaux.
Si le modèle social français fondé sur l’assurance et la répartition s’effondre, les Français se tourneront évidemment vers les formules offertes par le privé. Depuis dix ans, les syndicats sont en perte de vitesse. Ils ont même été mis à l’écart du dialogue socio-politique. Le mouvement des gilets jaunes les a complètement écartés du jeu social, en plus, la Covid ne leur a pas permis d’apporter des solutions aux défaillances hospitalières alors que l’assurance maladie est aussi sous leur responsabilité. Cette affaire de retraite pourrait leur redonner de l’oxygène, c’est-à-dire de l’importance et de l’influence.
La décision d’organiser des manifestations unitaires a été une bonne décision, puisque leurs manifestations ont été des succès. Maintenant, il leur faut prouver qu’ils sont capables de prendre leur responsabilité de gestionnaire du modèle sociale. Alors comment, pourquoi faire et avec qui ? A priori, on n’a pas du coté syndical, de propositions alternatives mais ce qui est certain, c’est que les syndicats ne peuvent pas rester sans réponse, sinon ils feront le jeu des extrémistes et des radicaux et laisseront le terrain libre à des manifestations type gilets jaunes qu’ils ont très mal vécu.
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Le seul syndicat dont on sait qu’il a un plan de réforme du système de retraite sous le coude, c’est la CFDT. Laurent Berger, qui reste opposé à toute mesure d’âge et notamment des 64 ans, est prêt à soutenir des mesures de rééquilibrage qui passeraient par le nombre de trimestres de cotisation et par l’adoption d’une retraite par points. Il a d’ailleurs précisé très récemment qu’il sera respectueux des décisions politiques. En clair, si le texte de réforme est finalement voté, il faudra l’accepter, quitte à revenir plus en profondeur sur le fonctionnement du système, mais après.
La grosse difficulté, c’est que les syndicats ont adopté une position unifiée contre les 64 ans.. Mais qu’au-delà, ils sont partagés entre ceux qui fonctionnent avec une logique de compromis, la Cfdt , Cftc , Fo. Et ceux qui, par idéologie, sont plutôt dans une logique de conflit avec le pouvoir politique.
Pour le gouvernement, toute solution de sortie va être très compliquée, mais pour les syndicats, la solution le sera tout autant. Mais une fois de plus, les uns comme les autres ont un intérêt absolu de sortir de cette galère. Leur survie en dépend.
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