Rémunérations des enseignants : pourquoi le bras de fer continue entre l’Éducation nationale et les syndicats

Augmentez les salaires, pas l’âge de la retraite ! » Cette semaine encore, des enseignants défilaient en scandant ce slogan. Une bonne partie d’entre eux ont fait grève, mardi dernier, pour la sixième journée de mobilisation contre le projet de réforme des retraites : 32,7 % selon le ministère de l’Éducation nationale, plus de 60 % selon les syndicats. C’est un peu moins que le 19 janvier dernier, mais tout de même… « On sent une vraie colère contre la réforme des retraites, mais aussi sur la question des salaires et, localement, contre la fermeture des classes », résume Guislaine David, la porte-parole du Snuipp-FSU, majoritaire dans le premier degré.

À l’école primaire, beaucoup d’instituteurs ne souhaitent pas enseigner deux ans de plus. « Une enseignante de maternelle, qui passe toute sa carrière sur une petite chaise, à hauteur d’enfant, va avoir mal au dos, aux genoux, et développer des troubles musculosquelettiques », indique la syndicaliste. Dans le second degré, les collègues râlent aussi : « Ils considèrent que la réforme des retraites va les obliger à travailler plus longtemps, dans de mauvaises conditions, alors qu’ils sont mal payés », témoigne Sophie Vénétitay, la secrétaire générale du Snes-FU.

Le pouvoir d’achat de la profession a fondu

Car les rémunérations sont au cœur des revendications. Le pouvoir d’achat de la profession a fondu au fil des années : un jeune prof de collège débutait à 2,2 Smic en 1980, mais à 1,2 Smic aujourd’hui. Et les enseignants français semblent moins bien lotis que leurs voisins : « Après 15 ans d’ancienneté, leur salaire est inférieur de 20 % à la moyenne des pays de l’OCDE », rappelle Éric Charbonnier, expert éducation au sein de l’organisme.

Le président Emmanuel Macron a bien promis une revalorisation pour les enseignants, avec une partie inconditionnelle (dite socle, 1,9 milliard en plus sur la table) et une partie liée à des missions supplémentaires (le pacte). Les discussions ont repris en janvier, après une première phase à l’automne. Mais pour les syndicats, le compte n’y est pas.

Aujourd’hui, avec l’inflation, nous attendons bien plus en termes de rattrapage

Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa

Sur la partie socle d’abord. Si la rue de Grenelle a fini par accepter d’augmenter tous les enseignants (et pas seulement les débuts de carrière), la hausse générale devrait représenter, selon leurs calculs, 50 à 60 euros bruts de plus par mois. « Il y a deux ans, nous aurions jugé cela positif. Mais aujourd’hui, avec l’inflation, nous attendons bien plus en termes de rattrapage », explique Stéphane Crochet, le secrétaire général du SE-Unsa. « Il faudrait une revalorisation pluriannuelle, ajoute Laetitia Aresu, secrétaire nationale du Sgen-CFDT. Ça ne peut pas être un solde de tout compte ! »

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Un « pacte » jugé biaisé

Mais l’essentiel des contestations porte sur la partie Pacte. L’État a beau annoncer une enveloppe de 300 millions d’euros pour septembre 2023, les syndicats enseignants ont quitté la table des négociations lundi dernier. Le ministère de l’Éducation propose à ceux qui le souhaitent de toucher jusqu’à 3 750 euros brut de plus par an pour 72 heures de missions supplémentaires (en priorité, remplacement de courte durée, heure de soutien pour les élèves de sixième, dispositif devoirs faits…). Les volontaires pouvant aussi, s’ils préfèrent, effectuer un tiers du pacte (1 250 euros pour 24 heures de travail en plus), ou deux tiers (2 500 euros pour 48 heures en plus). « C’est clairement travailler plus pour gagner plus », dénoncent les représentants syndicaux.

Les enseignants, eux, demandent à l’État de reconnaître financièrement les missions supplémentaires qu’ils assument déjà : prise en charge des élèves en situation de handicap dans le cadre de l’école inclusive, accompagnement à l’orientation à la suite de la réforme du lycée et du bac, tutorat pour les collègues stagiaires, obligation d’être présent dix minutes en avance pour accueillir les écoliers en primaire… « Je ne vois pas comment les enseignants, qui ont en charge des élèves toute la journée, pourront dégager du temps pour accomplir des missions supplémentaires, s’agace Guislaine David. Une enquête récente montrait d’ailleurs que la moitié d’entre eux travaillaient 43 heures par semaine. »

La crainte d’une « une usine à gaz »

De l’avis général, le dispositif proposé est moins adapté aux instituteurs. « Le Pacte ne va pas permettre de diminuer les écarts de rémunérations constatés entre le premier et le deuxième degré », regrette Stéphane Crochet. Ni de répondre aux inégalités salariales femmes/hommes. Ou entre personnels du secondaire : les missions proposées correspondent moins aux documentalistes, aux psychologues de l’Éducation nationale ou aux conseillers principaux d’éducation.

Ça risque d’être du volontariat contraint !

Laetitia Aresu, secrétaire nationale du Sgen-CFDT

Certains, enfin, craignent de ne pas avoir le choix : « Maintenant que le ministre a annoncé la généralisation de Devoirs faits pour tous les élèves de sixième, il va bien falloir trouver du monde pour assurer ces heures. Ça risque d’être du volontariat contraint ! », avance Laetitia Aresu du Sgen-CFDT.

La mise en pratique du pacte soulève aussi des interrogations. « Faudra-t-il faire un tableau Excel pour tenir le décompte des missions supplémentaires réalisées par tel ou tel enseignant ? », s’interroge Carole Zerbib, du syndicat national des personnels de direction (SNPDEN-Unsa), qui craint « une usine à gaz ». Les chefs d’établissement devront en effet superviser le processus : estimation des besoins, sollicitation des enseignants, traduction en unités de pacte, remontée au rectorat, enveloppe accordée par l’académie, lettre de mission à faire signer à chaque enseignant volontaire, bilan en fin d’année… Le bras de fer risque de durer. La réunion conclusive, initialement prévue lundi 13 mars, a été reportée. On ne sait pas encore à quelle date.

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