Réforme des retraites : entre gilets jaunes et syndicats, un mois de manifs et de rapprochements


CHARLY TRIBALLEAU / AFP Ce mois de manif contre les retraites a-t-il rapproché syndicats et gilets jaunes ? (photo de Berger et Martinez prise le 16 février à Albi)

© Fournis par Le Huffington Post CHARLY TRIBALLEAU / AFP Ce mois de manif contre les retraites a-t-il rapproché syndicats et gilets jaunes ? (photo de Berger et Martinez prise le 16 février à Albi)

POLITIQUE – Des gilets jaunes aux ballons rouges. La CGT de Philippe Martinez et la CFDT de Laurent Berger se sont, à nouveau, retrouvées dans la rue jeudi contre la réforme des retraites du gouvernement jeudi 16 février. Le cinquième épisode d’un mois de contestations pour tenter de faire plier Emmanuel Macron sur son texte phare.

Cette fois-ci, les dirigeants des huit centrales, de FO à Solidaires, ont pris la tête du cortège à Albi, dans le Tarn, après avoir battu le pavé parisien les quatre fois précédentes. Une façon de mettre la lumière sur la mobilisation massive qui parcourt les petites et moyennes villes, une des marques de fabrique du mouvement initié contre le texte d’Élisabeth Borne.

Cela ne vous rappelle rien ? Au début du premier quinquennat Macron, la mobilisation éruptive des gilets jaunes, née en dehors des cadres habituels, tirait sa force entre autres de manifestations répétitives dans les sous-préfectures, très mobilisées dans la fronde à l’époque. Rebelote donc quatre ans plus tard, mais à l’initiative des organisations syndicales. Une recette susceptible de rabibocher gilets jaunes et chasubles rouges ? Ou de rapprocher les centrales de ces manifestants ? Ce n’est pas si simple.

Des similitudes

Le politologue Emmanuel Rivière, directeur de recherche pour l’institut de sondages Kantar, voit des similitudes, des liens entre les deux mouvements, propices à réchauffer les relations. « La France est l’un des pays en Europe où l’on pense le moins que les dirigeants sont à l’écoute des gens, explique-t-il au HuffPost. C’est ce qui a été au cœur du mouvement des gilets jaunes, en plus des difficultés liées à la hausse du carburant, ce sentiment de ne pas être pris en compte, d’être confronté à des mesures vexatoires assenées par des gens qui ne connaissent pas la réalité. »

C’est ce même réflexe qui serait à l’œuvre contre la réforme des retraites, à en croire le sondeur. « C’est un point commun très, très clair », dit-il, relevant que certains manifestants d’aujourd’hui sont également ceux d’hier, qui, en 2018, protestait avec « la France oubliée. » Ce que confirme Jérôme Rodrigues, l’une des figures de proue du mouvement à l’époque. « Sur la ligne B du RER, je sais que certains gilets jaunes vont se mettre en ordre de marche le 7 mars… Ils sont gilets jaunes mais ils ont aussi leurs gilets de syndiqués », indiquait-il, mardi dernier, dans un « space », un espace de discussion vocal, sur Twitter, en guise d’exemple.

« Le mouvement des gilets jaunes a été un apprentissage de l’action collective pour de nombreuses personnes »Sophie Béroud, enseignante en science politique, spécialiste du syndicalisme

Même combat ? Même public ? Certains au gouvernement, réfutent l’idée d’une suite logique entre la fronde qui a secoué la France pendant des semaines, au prix de scènes parfois très violentes, et le mouvement syndical anti-réforme des retraites. « Ça ne ressemble pas du tout aux gilets jaunes », balaie une ministre qui va souvent sur le terrain et qui voit plutôt « des syndiqués, des personnes âgées de gauche… », dans les cortèges. Des « manifs classique somme toute. » Méthode Coué ou conviction sincère ?

Un « héritage indirect »

Sans parler de strict copier/coller, plusieurs spécialistes s’accordent néanmoins à dessiner une forme de filiation entre les deux. C’est le cas de la professeure de science politique Sophie Béroud, autrice du livre Sur le terrain avec les gilets jaunes (Presses universitaires Lyon), sorti en novembre 2022.

« Avec la crise sanitaire, beaucoup de collectifs de gilets jaunes ont perdu de leur substance. Mais ce mouvement a été un apprentissage de l’action collective pour de nombreuses personnes », estime l’enseignante à l’université Lyon 2, en parlant de la contestation actuelle comme d’un « héritage indirect » du mouvement spontané que personne -ni les politiques, ni les syndicats- n’était parvenu à récupérer à l’époque.

«  À chaque fois que les différents acteurs sont testés, les syndicats sont crédités du plus haut niveau de confiance dans cette dramaturgie actuelle »Emmanuel Rivière, directeur de recherche à Kantar

Une continuité qui trouve également sa source dans le fait que « la géographie du mouvement social a été bouleversée, revivifiée » en 2018, par ces mêmes gilets jaunes, selon les mots d’Emmanuel Rivière, avec un épicentre des manifs et des violences dans le cœur des villes moyennes. « L’opportunité d’aller manifester près de chez soi dans ces préfectures ou sous-préfecture est encore prisée par un certain nombre de citoyens », nous dit le politologue.

Dans ce contexte, le discours des centrales semble imprimer, trouver sa marque dans la population et auprès de la base des contestataires. Car la réforme des retraites permet aux responsables syndicaux, locaux ou nationaux, de montrer leurs compétences dans le détail des dossiers. Ce qui n’était pas le cas au moment des gilets jaunes et de leur contestation multifactorielle et méfiante à l’égard des syndicats.

« Le mouvement syndical est de retour »

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

« Ça leur est facile de rappeler ce pour quoi ils sont là », auprès des salariés, croit savoir Emmanuel Rivière. « Ils prennent des situations concrètes, qui touchent tout le monde (…) ils montrent leur proximité avec le monde du travail… », poursuit le sondeur, en évoquant une « petite réussite des syndicats, qui se traduit par des mobilisations géographiquement diverses. »

Le retour des syndicats, mais…

Les centrales semblent donc se refaire la griotte à travers ce mouvement, quatre ans après avoir été bousculés par l’émergence défiante des gilets jaunes. « À chaque fois que les différents acteurs sont testés, les syndicats sont crédités du plus haut niveau de confiance dans cette dramaturgie actuelle », affirme encore Emmanuel Rivière, en citant plusieurs études récentes.

Malgré cette bonne séquence, tout n’est pas gagné. Si les figures syndicales se réjouissent de leur « retour » sur le devant de la scène, le raprochement prendra du temps. En démontre, les récentes sorties acerbes de Jérôme Rodrigues contre les « actions syndicales menées depuis 40 ans », « ballon-merguez-mojito », qui ne « paient plus » ou vis-à-vis de Laurent Berger et son « égo mal placé. »

Une défiance tenace, presque intrinsèque entre des Français hostiles aux élites, et des représentants syndicaux qui utilisent les mêmes codes que les dirigeants qu’ils honnissent. « Les gens qui voient les syndicalistes dans les médias, les voient souvent dans les mêmes cadres, dans le même contexte que les responsables politiques », analyse Emmanuel Rivière. Pour lui, ce syndicalisme revendicatif à la française, « et ses formes d’actions politiques », a été par conséquent « embarqué dans le même rejet, celui des acteurs politiques fantoches qui parlent beaucoup et changent peu le réel. » Et si c’était en train de changer ?

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