Laurent Berger : « L’efficacité d’un syndicat ne se mesure pas aux emmerdements qu’il provoque

Nul ne fera croire que c’est dans une manifestation interprofessionnelle qu’on fera avancer la question de la hausse des salaires et du partage des richesses. Ces sujets doivent être abordés dans les entreprises et les branches professionnelles, c’est comme ça qu’on obtient des résultats.

Que dites-vous aux secteurs professionnels qui se sont mobilisés ?

Que la SNCF ou d’autres se mobilisent sur leur problématique, oui, mais la convergence des luttes pour l’augmentation des salaires est vaine. À la CFDT, nous avons des mobilisations dans de nombreux secteurs, chez Socotec, dans les Ehpad, à Monoprix… Et nous avons des résultats : chez les…

Nul ne fera croire que c’est dans une manifestation interprofessionnelle qu’on fera avancer la question de la hausse des salaires et du partage des richesses. Ces sujets doivent être abordés dans les entreprises et les branches professionnelles, c’est comme ça qu’on obtient des résultats.

Que dites-vous aux secteurs professionnels qui se sont mobilisés ?

Que la SNCF ou d’autres se mobilisent sur leur problématique, oui, mais la convergence des luttes pour l’augmentation des salaires est vaine. À la CFDT, nous avons des mobilisations dans de nombreux secteurs, chez Socotec, dans les Ehpad, à Monoprix… Et nous avons des résultats : chez les paysagistes, à l’Établissement français du sang… Les hausses de salaires s’obtiennent ainsi : par des mobilisations sectorielles. La manifestation de mardi ne permettra pas de faire bouger les entreprises.

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« Si le mouvement dure encore quelques jours chez Total, oui il pourrait être mal compris »

Sur les salaires, le gouvernement appelle les entreprises qui le peuvent à ouvrir des négociations. Vous approuvez ?

Le patronat doit comprendre qu’il y a un enjeu de répartition de la valeur créée dans l’entreprise. Et cela passe par des hausses de salaires. Mais le gouvernement a aussi un levier : la conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises notamment pour les bas salaires. Pourtant, on a encore 130 branches avec des minima en dessous du Smic. Plutôt que de faire de l’incantation, le gouvernement devrait dire à ses entreprises de les augmenter sans quoi, elles subiront une baisse des aides attribuées.

La grève se poursuit chez TotalEnergies. Alors qu’un accord a été trouvé entre la direction et deux syndicats majoritaires, la CDFT et la CFE-CGC, la CGT l’a refusé. Que pensez-vous de cette attitude ?

Rappelons les faits : Total en France, c’est 14 000 personnes qui, aux élections professionnelles, ont voté à 56 % pour la CFDT et la CFE-CGC. Ces deux organisations syndicales représentatives ont signé un accord avec la direction, c’est la démocratie sociale. Et la CGT nous dit que cet accord est minoritaire. Mais au regard de quoi ? Du nombre de grévistes ? Ils sont moins de 600 aujourd’hui. Cet accord porte sur une hausse de 7 % des salaires et une prime minimale de 3 000 euros à tous les travailleurs du groupe. On peut considérer que ce n’est pas assez mais enfin, ce n’est pas rien.

Les pénuries de carburant provoquées par cette grève donnent le sentiment d’une « prise d’otages ». Est-ce rendre service au syndicalisme ?

Je ne parle pas de prise d’otage. Je ne suis pas dans l’escalade. La CGT n’est pas l’ennemie de la CFDT, elle a une autre stratégie syndicale. Mais l’efficacité d’un syndicat ne se mesure pas à l’aune des emmerdements qu’il provoque pour les Français. Elle se mesure avec ce qu’on obtient pour les travailleurs. Ceux de chez Total vont avoir 7 % d’augmentation de salaire. Si ce mouvement dure encore quelques jours, oui, il pourrait être mal compris.

« Il y a des niveaux de salaires outranciers. Il faudrait aller vers un écart minimal entre les plus bas et les plus hauts revenus »

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Si la CGT obtient de meilleures conditions salariales, elle aura eu raison de durcir le mouvement. Ce serait un échec pour vous ?

Vous croyez qu’après un accord majoritaire, une entreprise va s’amuser à en négocier un autre avec une organisation minoritaire ? Dans la vraie vie, ça n’existe pas.

Les réquisitions du gouvernement dans les dépôts de carburant constituent-elles une entrave au droit de grève ?

Les réquisitions relèvent de la responsabilité du gouvernement. Je suis très attaché au droit de grève, c’est un droit constitutionnel. Il y a eu aussi des réquisitions de travailleurs dans les Ehpad et on n’en parle pas. On est en train d’invisibiliser tous les autres travailleurs qui se mobilisent. La question salariale n’est pas que chez Total.

Cette crise chez TotalEnergies fait aussi écho aux superprofits de l’entreprise. Un amendement pour les taxer a été voté, mais le gouvernement ne devrait pas le retenir. Est-ce une erreur ?

Total a signé un accord salarial, mais il n’est pas quitte pour autant. Ces superprofits ne contribuent pas au financement de la protection sociale et de nos services publics. Le gouvernement doit aussi comprendre que le malaise vient aussi de là. Cet amendement est un premier pied dans la porte.

Que pensez-vous du salaire du PDG de Total : 5,9 millions d’euros en 2021 ?

Il y a des niveaux de salaires outranciers. Il faudrait aller vers un écart minimal entre les plus bas et les plus hauts revenus. La question de la limitation des revenus des dirigeants est posée.

La réforme des retraites pourrait être examinée dès janvier avec, à la clé, le recul de l’âge de départ légal à 65 ans. Or, vous y êtes opposé. Comment allez-vous aborder cette épreuve ?

D’abord, la CFDT a toujours dit qu’il ne fallait pas que ce sujet passe par un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, sous peine de mettre le feu au pays. C’est grâce à la détermination de la CFDT que ça n’a pas été fait. Les concertations sont engagées. Et nous y entrons de façon offensive. On va démontrer qu’il n’est pas nécessaire de reporter l’âge de départ à la retraite. Ça n’a pas de sens, car le vrai âge de départ aujourd’hui est déjà de 63 ans.

Édouard Philippe a même proposé d’aller jusqu’à 67 ans. Est-ce une provocation ?

Édouard Philippe n’est ni député, ni Premier ministre. C’est à destination de la majorité. Et ça ne m’intéresse pas.

En attendant, la réforme de l’assurance-chômage, elle, est passée. Ce n’est pas de bon augure pour les retraites…

Je pense toujours que ce n’est pas en tapant sur les chômeurs qu’on réglera la situation. Mais en agissant sur la formation, l’attractivité des métiers, la mobilité, le logement, la garde d’enfant… Sur l’assurance-chômage, le gouvernement joue avec une opinion publique qui lui est plutôt favorable, alors que sur les retraites c’est l’inverse. L’immense majorité de la population pense que le report de l’âge légal n’est pas une bonne chose. Ça met un peu plus de poids dans la concertation.

Laurent Berger à Sciences Po Bordeaux ce jeudi

Jeudi 20 octobre, à 17 heures, Laurent Berger sera l’invité des Rencontres Sciences Po Bordeaux/« Sud Ouest ». Il répondra aux questions des étudiants. Entrée gratuite. 11, allée Ausone, domaine universitaire, Pessac.

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