Grève du 16 février : Avec la réforme des retraites, la CFDT est-elle en train de se radicaliser

Jeudi 23 juin 2016. Au cours d’une manifestation contre la loi Travail, le siège de la CFDT est vandalisé. Les vitres sont brisées, et le message « C’est fini de trahir » tagué en lettres rouges sur l’établissement. L’incident symbolise certaines critiques qui pèsent alors sur le syndicat « réformiste » : être trop conciliant avec le gouvernement. Durant le quinquennat Hollande, la CFDT a fini par se ranger derrière toutes les réformes sociales, étant souvent le seul soutien de l’exécutif contre la contestation.

Un choix payé cash aux yeux des Français. La CFDT réalise en effet chaque année une étude sur son image auprès des salariés*. Et en 2015, entre l’adoption de la loi Macron et le projet de loi Travail, le syndicat obtient son niveau le plus bas : seuls 42 % des salariés ont confiance en la CFDT pour défendre les acquis sociaux, 40 % pour faire avancer le dialogue social, et à peine 33 % pour conquérir de nouveaux droits.

Une réforme loin des clous de la CFDT

Retour au présent et à 2023, où cette image d’un syndicat trop laxiste semble loin. Dimanche dernier, le président de la CFDT, Laurent Berger, a évoqué un blocage du pays le 7 mars, si le gouvernement ne revient pas sur son projet de réforme des retraites. « On peut le faire », a-t-il assuré. Un discours déterminé, couplé à une opposition très claire du syndicat au texte depuis le départ. Il y a quatre ans, le syndicat soutenait pourtant l’ancien projet de refonte du système des retraites. Serait-on alors en train d’assister à un tournant pour l’organisation ?

Pour Guy Groux, sociologue spécialiste du syndicalisme, il ne s’agit pas d’un changement de paradigme de la part du syndicat, mais juste d’un changement de réforme. En 2019, la CFDT soutenait l’idée d’une réforme universelle des retraites depuis plus de dix ans, un temps où Emmanuel Macron était encore inconnu sur la scène politique. « Il ne s’agissait donc pas de s’aligner avec le gouvernement, mais d’être en accord avec ses propres principes », indique Guy Groux.

Pas une totale nouveauté

La ligne directrice actuelle de la CFDT est plus claire. Au 50e congrès du syndicat, en juin 2022, 67,5 % des votants se sont opposés à la possibilité d’une progression de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Une écrasante majorité qui indiquait clairement la marche à suivre : l’opposition.

Il ne faut par ailleurs pas oublier que la CFDT s’est déjà fortement mobilisée contre l’exécutif, rappelle Guy Groux. Et de citer le mouvement contre le Contrat de première embauche (CPE), en 2006, qui avait abouti à un abandon du texte, et en 2010, la réforme des retraites faisant passer l’âge de départ de 60 à 62 ans.

Le gouvernement bien plus radical que la CFDT ?

Joël Sohier, auteur du Syndicalisme en France (Ed. Vuibert, 2010), renverse la question. Et si ce n’était pas la CFDT qui s’était radicalisée, mais le gouvernement ? « Si la CFDT semble autant s’opposer à cette réforme, c’est que cette fois, le gouvernement ne lui aurait fait aucune concession. Et pourquoi le ferait-il ? Il a bien vu que s’attacher le soutien de la CFDT n’empêchait pas le déferlement social », note l’expert. En 1995, l’appui du syndicat réformiste n’avait empêché ni les grèves massives, ni l’échec du gouvernement Juppé. Même scénario en 2019, où l’appui de la fédération était loin de suffire à calmer la colère de la rue.

Mais si la CFDT n’est pas indispensable aux mouvements sociaux, elle peut fortement y contribuer. « Les manifestations actuelles sont les plus importantes depuis trente ans en France, constate Guy Groux. Il y a bien sûr l’impopularité de cette réforme, mais aussi la participation de la CFDT, particulièrement dans la France hors grandes métropoles, qui aide beaucoup à organiser et former de nombreux cortèges. » Loin des résultats au plus bas de 2015-2016, l’étude de la CFDT de 2022 montrait une incroyable remontada : 60 % des salariés avaient confiance dans le syndicat pour défendre les acquis sociaux, 59 % pour faire avancer le dialogue social, et 51 % pour conquérir de nouveaux droits. En 2021, pour la première fois depuis vingt ans, la CFDT avait une image aussi positive que la CGT, dans un sondage Harris Alternative**.

« Pas de changement de cap »

L’actuelle ligne de conduite face à la réforme servirait alors à ne pas perdre cette dynamique, estime Joël Sohier : « La réforme est si impopulaire, ce serait totalement contre-productif pour un syndicat de ne pas s’y opposer. » D’autant que le passé a été chargé d’exemple douloureux, comme quand Nicole Notat, à la tête de la CFDT entre 1992 et 2022, avait dû quitter les manifestations de 1995 après avoir été huée, et avait même été frappée en 1996 par des manifestants.  « La CFDT s’ajuste à ce contexte de rejet massif », ajoute Joël Sohier.

Mais de là à qualifier le syndicat de radical, il reste un grand pas que le spécialiste est loin de franchir : « Oui, Laurent Berger évoque la possibilité de bloquer le pays le 7 mars. Mais il ne parle que de cette journée quand les autres syndicats évoquent plus un processus reconductible dans les jours suivants. » Du côté de la CFDT, interrogée par 20 Minutes, la seule réponse accordée est laconique : « Il n’y a pas de changement de cap, juste une grande détermination. »

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