« Je ne vais pas raconter d’histoires aux travailleurs, leur dire qu’on va faire une énième journée de manifestation qui ferait reculer le gouvernement, alors qu’il n’a pas bougé après 13 journées d’action »… C’est ainsi que Laurent Berger, le leader de la CFDT, s’exprimait hier soir, après un 1er mai, réunissant dans l’Hexagone plus de 2,3 millions de personnes selon la CGT et près de 800.000 selon le ministère de l’Intérieur. Soit plus que les précédentes mobilisations, alors que de nombreux Français étaient en vacances, que la météo n’était pas forcément clémente, et les cortèges émaillés de violence.
Vers une nouvelle journée d’action commune
Reste que, ce mardi matin, portées par cette affluence, les huit organisations ont donc décidé de remettre le couvert. Et acté d’une nouvelle date pour marteler leur opposition au recul de l’âge de départ en retraite, alors même que la réforme a été promulguée : le mardi 6 juin, soit deux jours avant que la proposition de loi d’abrogation de la réforme portée par le groupe Liot ne soit examinée à l’Assemblée nationale. Même si cette manœuvre parlementaire a peu de chances d’aboutir, c’est une façon, pour l’intersyndicale, de signifier à ceux qui en doutent qu’elle veut rester unie.
« Certes, cette réforme va être appliquée, mais on a un peu gagné, on a remontré la force du combat syndical, sa dignité aussi… l’importance de trouver des points de convergence, entre nous… Cette unité est précieuse », expliquait encore Laurent Berger.
Mauvaise nouvelle pour le gouvernement qui attend depuis des mois que les centrales s’éloignent, toutes – notamment les deux plus importantes, CFDT et CGT en tête – cherchent autant que possible à coordonner leurs actions. Même si Laurent Berger et la nouvelle chef de file de la CGT Sophie Binet se connaissent peu, ils ont à cœur tous les deux de mettre la pression, en étant unis, sur l’exécutif. « On n’est pas d’accord sur tout, mais il y a des sujets où nous pouvons avancer ensemble », a ainsi résumé Laurent Berger.
La volonté du gouvernement de tourner la page des retraites
Elisabeth Borne a pourtant redit, ce mardi 2 mai, lors de la réunion de groupe des députés de sa majorité, son intention de passer à autre chose, de tourner la page « éprouvante » de la réforme retraites, notamment en invitant les centrales à échanger sur d’autres sujets comme le partage de la richesse ou la future loi Plein emploi.
Mais la partie pourrait se révéler plus complexe qu’attendue pour le gouvernement, tant les syndicats souhaitent monnayer leur présence. Le leader de la CFDT, devenu le premier opposant à Emmanuel Macron, n’a pas caché que la « facture serait élevée », qu’il faudrait payer cher son retour à la table des négociations.
Autrement dit, si on va discuter, ce n’est pas juste pour la photo, « il faudra se mettre d’accord sur les modalités de l’échange… », a-t-il assuré. Il n’empêche, la CFDT a d’ores et déjà dit qu’elle accepterait l’invitation de la Première ministre, alors que la CGT reste floue.
Plusieurs points de convergences entre les syndicats
Ensemble, les syndicats ont commencé à lister leurs desiderata. Sur de nombreux points, ils entendent porter le fer main dans la main. Inflation oblige, le premier concernera les augmentations de salaires, notamment les revalorisations des minimas de branches.
Aujourd’hui, plus de 150 branches sont inférieurs à ces minimas. « Un pur scandale », pour les centrales qui demandent que les grilles salariales soient revues rapidement. Et pour cause, avec les hausses successives du Smic, une grande partie des salaires se trouvent écrasés.
Au menu aussi de leurs revendications, on compte de meilleures conditions de travail, et une meilleure prise en charge de la pénibilité… en allant bien au-delà du seul fonds d’usure professionnelle que prévoit la réforme des retraites.
Autre point sur lequel tous les syndicats sont prêts à monter au créneau : les ordonnances de 2017 qui ont réduit la présence des délégués du personnel dans les entreprises, notamment dans les CHSCT, les comités hygiène et sécurité du travail. De la CGT à la CFDT, en passant par FO, tous ont gardé de l’amertume, voire de la rancune à l’égard de ces dispositions, qui limitent leur influence dans les entreprises. Ils demandent leur assouplissement. Cette requête risque, toutefois, de rester lettre morte : le gouvernement ayant assuré au patronat, qu’il a reçu il y a une dizaine de jours, qu’il ne toucherait pas aux ordonnances, symbole de la macronie.
Enfin, les syndicats souhaitent que les aides accordées aux entreprises soient conditionnées à des exigences de maintien dans l’emploi, de respect des critères environnementaux, ou encore d’éthique des entreprises – par exemple, en limitant l’augmentation des salaires des patrons -…
Cette idée n’est pas nouvelle, et rencontre peu d’échos aujourd’hui dans le gouvernement. Les syndicats veulent toutefois la mettre sur le haut de la pile. Ils mesurent, par exemple, combien les millions d’euros d’augmentation des grands patrons ( comme Ben Smith, chez Air France, ou Carlos Tavares, chez Stellantis…) peuvent choquer des travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts… Des grands patrons dont les entreprises affichent aujourd’hui des résultats records, qui ont largement bénéficié d’aides publiques pendant ou après le Covid-19, et qui sans la présence de l’Etat auraient probablement parfois disparu.
Et quelques points de divergences
En revanche, la CFDT sera plus à même de se battre pour le compte épargne temps universel, sorte de banque des temps, qu’elle porte depuis longtemps et sur lequel le gouvernement travaille… Ou encore sur la participation des représentants du personnel dans les Comex pour aller vers la « co-construction » à l’allemande.
Idem sur le partage de la valeur. En février dernier, la CFDT a signé l’accord avec le patronat, contrairement à la CGT qui l’a rejeté, estimant qu’il n’allait pas assez loin. Un texte que le gouvernement a promis de retranscrire tel quel dans un projet de loi différent de la loi Plein emploi.
Sur la méthode, aussi, les points de vue entre CFDT et CGT sont différents : pour se faire entendre, la CGT n’exclut pas des actions coups de poings – comme les coupures d’électricité, des rassemblements avec bruits de casseroles, des cartons rouges et perturbations de manifestations sportives, etc. – , contrairement à la CFDT qui n’approuve pas ces façons de se mobiliser.
Pour l’heure, les syndicats n’ont toujours pas reçu les invitations de Matignon. Elisabeth Borne entend les envoyer rapidement. Elle prévoit de convier les syndicats séparément, en bilatéral. Histoire sûrement d’insister sur les divergences plutôt que sur les convergences.
La proposition du patronat
Dans le même temps, les trois grandes organisations patronales représentatives ont proposé, ce mardi, une rencontre à leurs homologues syndicaux. Si le Medef ou la CPME sont restés silencieux pendant ce conflit, ils ont gardé le contact régulier avec les chefs de file des syndicats, et notamment, ceux des organisations réformistes. Sans attendre, Geoffroy Roux de Bézieux pour le Medef, ainsi que les leaders de la CPME et de l’U2P ont donc adressé ce mardi un courrier pour inviter les syndicats à définir ensemble « d’un agenda de négociation et une méthode », au plus vite.
Si le patronat ne veut pas être de temps, et est à l’initiative, c’est parce q’il craint d’être le perdant éventuel des discussions à venir entre syndicats et gouvernement. D’être celui qui paie des mesures qu’il n’aurait pas choisies… que ce soit sur l’emploi des seniors, les salaires, ou encore la pénibilité… Il entend donc être de la partie. Au nom du paritarisme !
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